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Un trader communiste ? Interview de Benoist Rousseau, Andlil

Trading trader

Présentation

Sur Avenue des Investisseurs, nous aimons informer et briser les idées reçues, sans langue de bois. C’est ce que fait également Benoist Rousseau, trader pour compte propre, dans son dernier livre Les traders sont de vrais communistes.

Son parcours et sa passion nous ont séduit : diplômé en histoire contemporaine, il a débuté sa carrière professionnelle dans l’éducation nationale avant d’être rattrapé par sa passion. Benoist Rousseau est trader pour compte propre depuis une quinzaine d’années. Il anime également le blog Andlil et une chaîne Youtube où il partage ses activités de trading et ses conseils. Nous avons eu le plaisir de l’interviewer.

Note de Nicolas : comme au cinéma, nous vous rappelons que les cascades de ce film ont été réalisées par des professionnels, ne tentez pas de les reproduire chez vous. De la même façon, Benoist est un professionnel qui trade activement : ce n’est pas approprié au grand public. Nous vous invitions à lire cette page si vous souhaitez investir en actions plus « sagement », de façon moins risquée et moins chronophage.

Interview de Benoist Rousseau – Andlil

La journée type d’un trader pour compte propre.

Avenue des investisseurs : Nos lecteurs ne sont pas familiers avec le trading. Nous recommandons plutôt d’investir sagement en trackers pour le grand public. Commençons par quelques questions bateau. Pouvez-vous nous décrire la journée type d’un trader pour compte propre ?

Benoist Rousseau – Andlil : La journée type d’un trader en compte propre commence vers 07h. C’est la partie analyse, certainement la plus importante de la journée. Je regarde comment les marchés asiatiques se sont comportés, et s’il y a eu des nouvelles importantes qui sont tombées durant la nuit.

Ensuite, je fais ce que j’appelle le travail des cartes : je repère à l’avance les zones importantes où les indices peuvent réagir, je repère les supports et les résistances, les points hauts et les points bas de la veille et de la semaine…Ce travail me permet de me mettre en condition psychologique et surtout d’envisager tous les scénarios possibles. Je ne cherche jamais à deviner la tendance du jour, mais je me prépare à une éventualité baissière, à une éventualité haussière ou à un marché de range c’est-à-dire une journée où le marché va stagner.

Tel un général qui étudie les cartes d’état-major avant de commencer la bataille. Lorsque l’on arrive sur une zone de conflit, une résistance ou un support, je sais déjà à l’avance comment je vais réagir. Je n’agis donc pas dans le feu de l’action, mais j’essaie de prévoir comme un joueur d’échec les prochains coups.

Le reste de la journée est rythmé par le rythme interne des marchés financiers. Je trade beaucoup à l’ouverture des marchés européens de 09h à 11h30. Généralement le midi je vais au restaurant, tout en surveillant les cours de bourse car il se passe peu de choses et je peux ainsi décompresser. Le nouveau pic d’activité en Europe est l’ouverture des marchés financiers américains à partir de 15h30 (soit 09h30 à New York).

De 15h30 à 18 heures, je trade intensément à la fois sur les marchés européens et américains. De 18h à 20h, les marchés américains sont plutôt mous et les marchés européens sont fermés, j’en profite pour dîner, tout en surveillant toujours les cours. Je me remets devant mon PC de 20 heures à 22 heures pour bénéficier de la fin des marchés américains.

Je me couche vers 23 heures pour dormir au moins huit heures par nuit afin d’être en pleine forme le lendemain matin. Et je recommence un cycle. Il est très important d’avoir un rythme de vie sain, une alimentation équilibrée, des plages de repos, des heures de sommeil régulières etc. Un trader en compte propre est comme un sportif de haut niveau, rien n’est négligé.

Benoist Rousseau

Votre stratégie et vos résultats.

ADI : Pouvez-vous expliquer votre stratégie de trading (le scalping ?) en quelques lignes pour ceux qui ne connaissent pas cette méthode ? Et si ce n’est pas indiscret, quels sont vos résultats ?

Benoist Rousseau – Andlil : Ma stratégie de « scalping » consiste à prendre position sur des supports et des résistances importantes. Ce sont des trades très rapides. Un bon scalp va durer quelques secondes car je sais par expérience que sur ces zones il y a une probabilité de rebond de 90 %. J’accumule comme cela dans la journée 10-20-30 trades ou plus de quelques points. Cette méthode permet d’avoir des gains réguliers. Je vise avons tout la régularité et la minimisation des risques.

Mes résultats me permettent de vivre très confortablement : je gagne environ 10 000 à 20 000 € par mois. Pour une transparence totale, je vous donne les résultats de mes deux comptes depuis le début de l’année de scalping, soit du 1er janvier 2018 au 31 mai 2018. Le rendement est entre 15% et 20% par compte en 5 mois :

Mon compte Futures :

Mon compte Cfd à risque limité :

Il est bien entendu évident de préciser que pour arriver à de tels résultats, il m’a fallu des années de travail. On ne devient pas trader en trois jours, en trois semaines, ou en trois années.

L’évolution du trading.

ADI : Cela fait plus de 15 ans que vous tradez les indices. Est-ce que vous avez vu une évolution dans le comportement des indices et des stratégies à adopter pour gagner de l’argent ? En particulier, l’arrivée du HFT (high frequency trading) a-t-elle changé la façon de faire du trading ?

Benoist Rousseau – Andlil : Le trading c’est l’adaptation permanente aux changements. Les changements peuvent être d’ordre technique, réglementaire, etc. Le trading est avant tout du darwinisme, il faut avoir la capacité d’évoluer et de se remettre en cause en permanence.

Je ne trade plus du tout de la même façon qu’au début des années 2000 ou des années 2010. L’arrivée du trading à haute fréquence et le fait que les marchés utilisent de plus en plus d’algorithmes ont radicalement changé ma façon de faire. Mon trading cherche plus à comprendre comment les algorithmes fonctionnent maintenant.

Pour ne rien vous cacher, je trouve qu’il est plus facile de trader maintenant qu’il y a 10 ou 20 ans. Les algorithmes sont assez « prévisibles » pour un scalpeur. Ils ont renforcé le côté moutonnier, les résistances et les supports sont beaucoup plus respectés qu’avant. Mais c’est ce qui me plaît aussi dans le trading, il faut toujours évoluer, se remettre en question, progresser. Je ne m’ennuie jamais et cela fait partie du plaisir que j’ai à trader.

Les traders sont mal vus ? Pourquoi ?

ADI : Vous parlez de stigmatisation des traders dans votre livre. Ce que nous dénonçons également ici en page Bourse, avec les médias français très durs même vis à vis des actionnaires petits porteurs. Pouvez-vous développer ?

Benoist Rousseau – Andlil : La France est une société avec un fort héritage judéo-chrétien où l’argent est mal vu. Il faut s’excuser de gagner de l’argent. Quand un Français gagne au loto, la première chose qu’il dit est qu’il va faire des dons à des associations comme pour se déculpabiliser et s’excuser. Un Italien, un Allemand, un Espagnol, un Américain, un Japonais, un Canadien…dira qu’il veut utiliser cet argent pour créer une entreprise, gâter sa famille, se faire plaisir. Ils ne vivent pas dans une société culpabilisante vis-à-vis de l’argent.

Il est d’ailleurs intéressant de remarquer qu’il est plus facile socialement en France de gagner au loto que de gagner de l’argent par son trading ou en créant son entreprise. En effet, le gain au loto est possible pour tout le monde. Les gens sont moins agressifs envers les gagnants du loto car ils pensent qu’ils peuvent eux aussi un jour gagner au loto. La chance est donc plus valorisée que le travail dans notre pays, car la chance tout le monde peut espérer la croiser un jour. En revanche pour un trader ou un chef d’entreprise, c’est beaucoup plus difficile s’ils réussissent. Il y a un fond de jalousie très marquée. Car réussir dans le trading ou dans la gestion de son entreprise, tout le monde ne peut pas le faire.

Je trouve que la société française a confondu l’égalité et l’égalitarisme. La déclaration des droits de l’Homme et du citoyen précisait bien que nous sommes tous égaux en droit. Cela ne veut pas dire que nous devons tous être pareils. Il y a eu un basculement de l’égalité des droits à l’égalitarisme, et quelqu’un qui s’élève au-dessus est presque considéré comme un traître. A l’usine par exemple, un ouvrier qui est promu contremaître peut être rejeté par ses anciens collègues ouvriers qui s’estiment trahis.

En tout cas, c’est le ressenti d’énormément de chefs d’entreprise français qui se sentent stigmatisés, alors que dans les autres pays européens (et asiatiques et américains) ils sont encouragés et valorisés car ils créent de la richesse et des emplois. Même en Chine, prétendument communiste, les chefs d’entreprise sont très estimés !

En France, on retrouve exactement la même attitude envers les petits porteurs, affublés du terme péjoratif de boursicoteurs / de gens qui jouent en bourse…alors qu’ils sont des éléments essentiels à l’indépendance et à la santé des entreprises. En revanche, quand une entreprise passe sous actionnariat étranger, les gens s’en émeuvent et s’inquiètent…c’est à géométrie variable, le français est schizophrène.

Votre parcours de professeur d’histoire à trader.

ADI : Malgré une passion précoce pour le trading (dès vos 15 ans), vous vous êtes orienté vers des études d’histoire et avez débuté votre carrière dans l’éducation nationale ? Comment expliquer ces choix ? Aujourd’hui, vivez-vous bien votre réorientation professionnelle et êtes-vous épanoui dans votre nouveau mode de vie ?

Benoist Rousseau – Andlil : Je suis issu d’un milieu ouvrier, je suis la première génération à avoir atteint le baccalauréat, donc je n’ai pas pu faire les études que je souhaitais. À la maison, « on ne nourrissait pas les feignants d’étudiants ». J’ai donc dû travailler à temps plein tout en étant étudiant. J’ai été avant tout salarié étudiant plutôt qu’étudiant salarié.

Je me suis donc dirigé vers des études d’histoire économique à l’université Paris-Sorbonne car je ne pouvais pas travailler et étudier à HEC en même temps. Seule l’université me permettait de présenter les examens en candidat libre. Je suis devenu enseignant car j’avais le désir de partager mes connaissances et qu’après plusieurs années de galère, de petits boulots… c’était une solution pour ne plus avoir le ventre creux à la fin du mois. Si j’avais eu la possibilité financière de faire des études, je n’aurais pas fait ces choix forcés et j’aurais continué jusqu’à la thèse et fait les études pour devenir trader.

Cependant, durant toutes ces années, je suis resté passionné par le trading. Et dès que j’ai eu les moyens financiers de vivre de mon trading, j’ai démissionné de mon poste de fonctionnaire, de ma cage dorée, de mon emploi à vie…pour vivre de ma passion du trading.

Je ne regrette pas une seule seconde ce choix. Le premier plus beau jour de ma vie est lorsque j’ai réussi mon concours d’enseignant, cela marquait la fin de la précarité. J’ai eu beaucoup de plaisir à enseigner pendant 10 ans, mais le second plus beau jour de ma vie est quand ma démission a été acceptée (ce qui a quasiment été plus compliqué que de réussir le concours).

J’ai retrouvé ma liberté et tous les possibles, car en tant que fonctionnaire le reste de ma vie était déjà écrit. J’allais me marier avec une prof (endogamie), nous aurions deux enfants, un pavillon de banlieue que nous paierions pendant 25 ans et un labrador. Je pouvais même calculer ma retraite à 67 ans à l’euro près. J’ai voulu fuir cette vie / mort déjà écrite.

Je sais maintenant que quoi qu’il arrive, plus jamais je ne serais salarié ou fonctionnaire. J’ai goûté à la liberté, je suis maître de mon destin et de mes choix, je suis pleinement responsable de mes actes. En trading on ne peut pas se mentir à soi-même, trouver une excuse pour justifier ses pertes, si on est bon ou mauvais, c’est son entière responsabilité. Je ne peux plus revenir en arrière et signer un contrat de servage contre un salaire.

Donc, je n’ai jamais été aussi heureux et épanoui de ma vie, je préfère vivre en dehors de la cage dorée même si cela implique des incertitudes sur mon avenir. Peu importe, l’important est de ne pas avoir de regrets au crépuscule son existence.

Vous affirmez que les traders sont de vrais communistes ?

ADI : Vous avez récemment sorti un livre : Les traders sont de vrais communistes. Les critiques que l’on peut lire sur Amazon sont très positives. Pouvez-vous nous expliquer comment êtes-vous parvenu à établir ce parallèle étonnant entre les traders et les communistes ?

Benoist Rousseau – Andlil : Je vous conseille de lire le livre car c’est un long développement. Rire. En résumant à grands traits, lorsque je trade sur les marchés financiers, j’ai en face de moi Goldman sachs, la Citibank, la Société Générale, BNP Paribas… Lorsque je prends 1 lot sur les marchés, je vois des lignes avec des montants 100 fois plus importants que les miens. Quand je réussis à gagner quelques milliers d’euros à la fin du mois, il y a une grande probabilité que je les ai pris aux professionnels de la finance en face. Finalement, en tant que trader en compte propre, je suis le seul à me battre tous les jours face aux grandes sociétés capitalistes et bancaires, je suis en première ligne.

C’est l’idéal des communistes, lutter contre le grand capital. Aucun ne le font, ils collaborent même avec le grand capital généralement en détenant des SICAV ou des assurances-vie. Bref, il n’y a que les traders en compte propre et les petits boursicoteurs qui se battent à armes inégales face au grand capital. Nous sommes des David face à des Goliath mais nous avons nos propres armes.

Finalement, ce livre est le prétexte pour faire réfléchir les lecteurs sur toutes les absurdités que l’on entend en permanence sur la bourse, les traders, les boursicoteurs. Il est je crois l’une des rares réponses argumentées à ces caricatures et idées fausses qui traversent la société française. Note de Nicolas : aux États-Unis par exemple, les actionnaires sont bien mieux considérés. Quasiment tout le monde est actionnaire, retraite par capitalisation oblige.

Son dernier livre : les traders sont de vrais communistes.

Nous remercions Benoist pour nous avoir fait confiance et s’être livré ainsi, en toute transparence. Le dernier livre de Benoist Rousseau, Les traders sont de vrais communistes est en vente sur Amazon. Nous l’avons lu et c’est ce qui nous a donné envie d’interviewer Benoist, car nous avons apprécié sa façon claire d’expliquer son métier et la façon dont il brise les idées reçues. Quelles que soient vos opinions politiques, vous risquez de voir les choses autrement après la lecture du livre. Son seul défaut : il est trop court !

Note de Nicolas : comme au cinéma, nous vous rappelons que les cascades de ce film ont été réalisées par des professionnels, ne tentez pas de les reproduire chez vous. De la même façon, Benoist est un professionnel qui trade activement : ce n’est pas approprié au grand public. Aussi,  nous vous invitons à lire notre article sur l’investissement en bourse si vous souhaitez investir en actions plus « sagement ».

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