Après une vie entrepreneuriale bien remplie, ou parfois beaucoup plus tôt, il arrive un moment où l’entrepreneur cherche à transmettre son entreprise. Différentes options s’offrent à lui. Ainsi, l’entrepreneur peut vendre son entreprise (on parle alors de cession). Ou bien la transmettre à titre gratuit (sans recevoir d’argent), généralement à ses héritiers ou parfois à des employés ou à des associés. Près d’un tiers des dirigeants ont l’intention de transmettre leur entreprise à leur succession.
La transmission d’entreprise est une étape de la vie de l’entreprise aux enjeux multiples. L’entreprise occupe souvent une place importante dans le patrimoine des entrepreneurs. D’un point de vue patrimonial, les entrepreneurs ont intérêt à anticiper la transmission pour optimiser la fiscalité de l’opération. Mais les enjeux ne sont pas seulement financiers. Bien menée, cette étape délicate doit assurer une bonne transition dans la gouvernance de l’entreprise et permettre la continuité de l’activité dans de bonnes conditions.
Remarque : parfois pour diverses raisons l’entrepreneur peut décider de transmettre son entreprise par d’autres moyens que la transmission. Il peut réaliser la dissolution de l’entreprise en distribuant un boni de liquidation. Ou transmettre son entreprise à titre onéreux, et cela même si c’est à destination de membres de sa famille. Il peut choisir de le faire dans le cadre d’une cession classique, par une introduction en bourse ou par des opérations de fusion, scission ou apport partiel d’actif.
Dans cet article, nous faisons le point sur les enjeux de la transmission d’entreprise. Nous tentons de répondre aux questions que les entrepreneurs se posent. En pratique, nous détaillerons le calcul des plus-values et les solutions pour optimiser le coût des droits d’enregistrement. Enfin, nous présenterons le pacte Dutreil, un dispositif incontournable dans la transmission d’entreprise, avec un exemple chiffré.
SOMMAIRE
- Complexité et enjeux de la transmission d’entreprise familiale
- Quelles plus-values sont concernées par la taxation ?
- Comment sont imposées et calculées ces plus-values ?
- Droits d’enregistrement et pacte Dutreil
Complexité et enjeux de la transmission d’entreprise familiale
La transmission d’entreprise concerne tous les entrepreneurs, quelles que soient la forme juridique et la taille de leur entreprise. Qu’il s’agisse d’entreprises individuelles ou de sociétés, la transmission d’entreprise se révèle parfois complexe et ne doit pas être improvisée sur le tard.
Le départ du dirigeant peut se faire de plusieurs façons : volontairement, par voie de cession à titre onéreux ou de transmission à titre gratuit. Ou inopinément, à la suite d’une maladie, d’une invalidité ou d’un décès. Dans le cas d’un départ inopiné, les conséquences peuvent être désastreuses si le dirigeant n’a pas érigé son entreprise sur de solides fondations. Voyons ensemble les bonnes pratiques à mettre en place pour anticiper une transmission d’entreprise.
Guide général des bonnes pratiques préalables à la transmission d’entreprise
Lorsque l’on veut transmettre une entreprise, il faut respecter 4 piliers:
- L’entreprise est un capital et non un bien de famille. Pour réussir sa transmission il faut donc garder à l’esprit que les considérations d’ordre psychologiques ou émotionnelles doivent être mises de côté. Il est primordial d’adopter une approche rationnelle en considérant avant toute chose l’entreprise comme un actif à valoriser.
- Une entreprise pérenne et performante est une entreprise bien gérée et structurée. La structure juridique de l’entreprise et son mode de gestion doivent donc être mûrement réfléchis en amont pour que les héritiers soient plus enclins à faire équipe et à s’investir dans l’entreprise. Dans certains cas, il est intéressant de transformer une entreprise individuelle en société afin de faciliter la répartition entre les différents successeurs.
- Il faut se méfier des constructions juridiques très avantageuses au moment de leur réalisation qui peuvent se révéler trop rigides et donc dangereuses au moment d’une transmission. Un dirigeant qui voudrait trop encadrer sa succession par des démembrements importants, un équilibrage des participations ou la distribution d’actions à droit de vote double, risque de conduire un jour son entreprise dans une impasse. Pourquoi ? Parce que l’entreprise doit savoir s’adapter aux situations qu’elle rencontrera à l’avenir et les successeurs trop enfermés dans cette construction juridique risquent de ne pas pouvoir y faire face.
Note : avant tout montage juridique trop ambitieux, il vaut donc mieux recourir à un professionnel. Un conseiller en gestion de patrimoine réalisera un audit global du patrimoine dont le patrimoine professionnel. Ainsi, le conseil pourra proposer des solutions pour revoir le montage et l’optimiser au regard de la transmission.
- Il faut prévoir cette transmission au plus tôt. En effet, nul ne sait à quel moment le dirigeant sera contraint de quitter son entreprise. Tarder à organiser sa transmission peut donc être fatal pour la survie de l’entreprise et pour ses performances futures. Cela signifie aussi que tout au long de sa carrière, l’entrepreneur doit veiller à ce que la structuration de son entreprise permette la transmission. Donc il doit garder en tête une volonté de la développer et d’en assurer la solidité financière, mais aussi être attentif aux possibilités de vente qui pourraient s’offrir à lui.
Les principales difficultés de la transmission d’entreprise : estimation, fiscalité et contrôle
Les contraintes sont différentes selon qu’il s’agit d’une entreprise individuelle ou d’une société. Mais les enjeux principaux sont les mêmes.
Dans le cadre d’une transmission d’entreprise, la première difficulté est la détermination de la valeur de l’entreprise. C’est une étape incontournable. En effet, l’estimation de la valeur de l’entreprise est primordiale pour l’ensemble des formalités administratives et fiscales.
La deuxième difficulté concerne la transmission du contrôle de l’entreprise. Au cours de la transmission, le pouvoir de gestion ne suit pas forcément la détention de la majorité des titres. Selon la forme juridique, l’entreprise n’est pas toujours divisible en parts égales pour des raisons de droit (entreprise individuelle) ou de fait (sociétés). Il convient également de trouver le meilleur moment pour transmettre l’entreprise, choisir les successeurs et réduire le coût fiscal de cette transmission.
Toutes ces questions doivent donc être anticipées.
Moyens pouvant être mis en œuvre pour faciliter ou réaliser la transmission de l’entreprise
Voyons les actions concrètes que l’entrepreneur peut mettre en œuvre pour réussir la transmission :
- Aménager la structure juridique de l’entreprise.
- Définir le mode de transmission de l’entreprise à titre gratuit :
- au moyen de libéralité classique,
- au moyen d’une donation partage,
- et/ou par modification du contrat de mariage,
- de manière passive dans le cadre d’une succession ab intestat,
- par une attribution préférentielle.
- Établir des pactes et/ou des protocoles divers entre associés ou dirigeants et successeurs.
Nous allons voir successivement, comment évaluer son entreprise, à quel moment effectuer la transmission, la question du contrôle de l’entreprise transmise et comment minimiser le coût fiscal de cette transmission.
Comment évaluer son entreprise ?
L’estimation de la valeur de l’entreprise dans le cas d’une transmission peut poser question. Notamment parce qu’il n’y a pas de vente effective, donc le prix ne peut pas s’établir en fonction de l’offre et la demande. Il faut pourtant bien procéder à une évaluation acceptable, notamment pour l’administration fiscale qui se sert de cette valeur pour asseoir ses impositions.
L’administration fiscale estime que l’évaluation de l’entreprise doit correspondre à la valeur qui résulterait des jeux de l’offre et de la demande. En pratique, elle oblige à combiner plusieurs méthodes d’évaluation, dont l’une au moins doit être fondée sur la valeur patrimoniale et l’autre sur les résultats.
Elle considère que la valeur patrimoniale de l’entreprise est égale à l’actif net corrigé majoré de la valeur du fonds de commerce. Sachant que la valeur du fonds de commerce est évaluée (dans l’industrie) à 1 ou 2 années de bénéfices (x années de bénéfices selon le secteur de l’entreprise).
Note de Manon : Pour évaluer correctement son entreprise, il ne faut pas hésiter à faire appel à un ou plusieurs professionnels qui connaissent bien ces problématiques. Ainsi, vous pouvez vous rapprocher des chambres de commerce et d’industrie (CCI) mais aussi des chambres de métier et d’artisanat. De plus, l’expert-comptable qui suit votre entreprise pourra également vous aiguiller dans cette estimation. Celle-ci doit être raisonnable pour ne pas être remise en cause par l’administration. D’ailleurs, l’administration fiscale a publié un « guide d’évaluation des entreprises et des titres de sociétés » disponible sur impots.gouv qui peut s’avérer très utile (dernière version : novembre 2006).
À quel moment transmettre son entreprise ?
Cette question n’amène pas une réponse évidente. Car ce choix dépend de l’évolution de la valeur de l’entreprise, de l’état du marché, de la présence ou non de successeurs, des conséquences fiscales et de la situation personnelle du dirigeant. La valeur de l’entreprise sur laquelle sont assis les droits de mutation varie au fil du temps, ce qui parallèlement modifie le coût fiscal de la transmission.
Remarque : dans la plupart des cas, plus on transmet tôt plus la valeur de l’entreprise est faible, puisqu’elle est souvent moins rentable ou plus endettée à ce moment-là.
Dans le cas où l’on envisage un démembrement, c’est à dire donner seulement la nue-propriété des titres d’une société, plus cette transmission est faite par un entrepreneur jeune et plus elle est intéressante fiscalement. En effet, la valeur de l’assiette prise en compte pour le calcul des droits de donation dépend de l’âge du donateur au moment de la transmission (ce point est abordé en détail un peu plus bas dans l’article).
En présence de successeurs, il serait plus que recommandable pour les entrepreneurs de familiariser leurs héritiers le plus tôt possible avec l’entreprise et son management.
Quant à la situation personnelle du dirigeant, il est primordial de la prendre en compte. Sur le plan patrimonial, des ressources financières lui sont-elles assurées après la transmission ? Notamment ses droits à la retraite et ses réserves sur des actifs privés autres que l’entreprise. Sur le plan personnel, son goût pour la poursuite de la gestion de l’entreprise ainsi que l’évolution prévisible de son état de santé sont également des éléments importants.
Les questions liées au contrôle de l’entreprise
Lors de la transmission d’une entreprise, la question du contrôle est au centre des préoccupations de l’entrepreneur qui souhaite pérenniser son entreprise par la transmission. Dans la plupart des cas, le contrôle est lié à la détention de l’entreprise ou de son capital.
Nous avons vu précédemment que d’un point patrimonial, il est parfois dans l’intérêt de l’entrepreneur de transmettre tôt des parts de son entreprise (assiette réduite de la nue propriété).
Note : l’entrepreneur peut également avoir intérêt à céder des parts de sa société (plutôt que de les transmettre) pour récupérer des capitaux, et ainsi se réserver des ressources en prévision de son départ à la retraite. Céder des parts à titre onéreux permet aussi d’accroître sa sécurité familiale en transférant une partie de l’actif professionnel, par essence peu diversifié, vers des actifs privés, qui ne subissent pas les mêmes risques.
Ceci dit, en perdant des parts de sa société, le dirigeant s’expose à un risque de perte du contrôle de l’entreprise…cette éventualité doit être étudiée.
Contrôler une entreprise c’est être en mesure d’y exercer son pouvoir, sa volonté. Mais selon la forme de l’entreprise, le contrôle peut être de fait (en raison des circonstances) ou de droit (en raison de la législation) et se matérialise différemment. Il faudra donc adapter son plan d’action selon la structure de la société et les objectifs recherchés.
Mais comment transmettre en protégeant ses successeurs, sans pour autant perdre le contrôle de l’entreprise ?
La transmission à titre gratuit (le plus souvent intra-familiale) peut avoir lieu soit du vivant des parents par voie de donation (éventuellement avec réserve d’usufruit), soit à leur décès par voie de succession.
Dans le cas où le donateur souhaite garder le contrôle de l’entreprise, il peut être intéressant de transmettre les parts en démembrement. C’est à dire de faire donation seulement de la nue-propriété des parts. Ainsi, le donateur conserve l’usufruit et donc le contrôle de l’entreprise, mais à son décès les parts reviennent en pleine-propriété aux détenteurs de la nue-propriété. L’entreprise leur revient donc.
Ce qui est intéressant ici, c’est qu’au cours de la donation les droits seront beaucoup plus faibles si l’on ne transmet que la nue-propriété des parts. Et au décès du donateur, lorsque les nue-propriétaires reçoivent la pleine propriété des parts, ils n’ont pas de droits supplémentaires à payer.
Selon l’article 669 du CGI, pour la liquidation des droits d’enregistrement de la taxe de publicité foncière, la valeur de l’usufruit et de la nue-propriété est déterminée selon le tableau suivant :
AGE du donateur (usufruitier) | VALEUR de l'usufruit | VALEUR de la nue-propriété |
---|---|---|
Moins de 21 ans | 90 % | 10 % |
Entre 21 et 30 ans | 80 % | 20 % |
Entre 31 et 40 ans | 70 % | 30 % |
Entre 41 et 50 ans | 60 % | 40 % |
Entre 51 et 60 ans | 50 % | 50 % |
Entre 61 et 70 ans | 40 % | 60 % |
Entre 71 et 80 ans | 30 % | 70 % |
Entre 81 et 90 ans | 20 % | 80 % |
Plus de 91 ans | 10 % | 90 % |
Mieux comprendre le processus du démembrement
il faut avoir à l’esprit que le droit de propriété sur un bien peut être divisé en trois catégories. En effet, on distingue :
- l’usus (le droit d’user de la chose),
- le fructus (le droit de récolter les fruits que produit le bien),
- l’abusus (le droit de disposer de la chose).
On peut donc démembrer les parts d’une société entre plusieurs personnes : ceux qui vont pouvoir gérer la société et disposer des bénéfices courants qu’elle produit (les usufruitiers, qui disposent donc de l’usus et du fructus) et ceux qui bien qu’étant propriétaires du bien ne peuvent pas le gérer ou disposer des bénéfices qu’il produit (les nue-propriétaires, qui disposent de l’abusus).
Ainsi, l’entrepreneur a intérêt à anticiper la transmission pour en réduire son coût fiscal, mais aussi pour organiser le passage de gestion de l’entreprise. Selon les objectifs de l’entrepreneur, il peut être intéressant d’envisager un démembrement de propriété. Le montage fiscal envisagé devant permettre de protéger ses proches, de conserver la gestion ou bien de se dégager des liquidités.
Exemple de démembrement
Admettons qu’un gérant de 45 ans souhaite faire donation des parts de sa société à son enfant unique. Ses parts sont valorisées à 500 000 euros. On va comparer les droits dus selon s’il fait donation des parts en pleine propriété ou en nue-propriété.
- En cas de donation en pleine propriété. Abattement pour donation en ligne directe : 100 000 euros par enfant. Donc une assiette taxable de 400 000 €. On applique le barème des droits de donation sur ces 400 000 € et on obtient 78 194 € de droits dus.
- En cas de donation en nue-propriété. Le donateur a 45 ans, donc la valeur de la nue-propriété est de 40 % selon le tableau ci-dessus. Vu que les parts transmises sont valorisées à 500 000 euros, on prend seulement en compte 40 % soit 200 000 €. Ensuite, on applique l’abattement pour donation en ligne directe de 100 000 € par enfant. Finalement il reste une assiette taxable de 100 000 € sur laquelle on applique le barème des droits de donation : on obtient 18 194 € de droit dus. Soit un gain de 60 000 € par rapport à la donation en pleine propriété !
Prendre contact avec un conseiller expert en transmission d’entreprise
Dans la suite de cet article, nous allons aborder plus en détail les modalités de transmission d’entreprise. Bien que nous nous sommes efforcés de présenter cela en des termes compréhensibles aux entrepreneurs, nous reconnaissons qu’il s’agit d’un domaine éminemment complexe. Aussi, nous vous invitons à prendre contact avec un conseiller en gestion de patrimoine dès à présent (formulaire de contact ci-dessous) pour être correctement conseillé sur ces questions. La situation de chaque entrepreneur est unique. Seule une analyse personnalisée de votre dossier vous permettra de mettre en place une transmission optimale de votre entreprise.
Quelles plus-values sont concernées par la taxation ?
Dans le cadre d’une transmission à titre gratuit (c’est à dire que celui qui transmet ne reçoit pas d’argent), la fiscalité qui s’applique est double :
- du côté du donateur qui transmet : la taxation des plus-values ;
- du côté du donataire qui reçoit : l’application de droits de mutation à titre gratuit, aussi appelés droits d’enregistrement (nous allons revenir en détail sur ce point plus bas). En pratique, le donateur peut aussi régler les droits d’enregistrement.
Ci-dessous nous allons développer le régime fiscal des plus-values professionnelles et les régimes de faveur qui peuvent réduire cette taxation. Face à la difficulté de ce régime nous ne saurions vous recommander de consulter un professionnel de la fiscalité (avocat fiscaliste ou conseiller en gestion de patrimoine) en cas de questions complémentaires.
Dans un premier temps, nous allons voir comment sont calculées ces plus-values professionnelles.
En théorie, la transmission d’une entreprise à titre gratuit ne génère pas de plus-value, puisqu’il n’y a pas de cession et donc pas de gain pour l’auteur de la transmission. C’est le cas pour une société soumise à l’impôt sur les sociétés.
Néanmoins, pour les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu, l’administration fiscale considère que la différence entre la valeur des biens inscrits au bilan et leur valeur au jour de la transmission génère une plus-value. Ces plus-values seront imposables comme dans le cas d’une cession classique à la différence que des régimes de faveur viendront atténuer leur coût ou les éliminer.
L’écart entre la valeur des biens au bilan et leur valeur réelle
D’où vient cet écart entre la valeur des biens inscrits au bilan et leur valeur au jour de la transmission ?
La valeur comptable des actifs portés au bilan s’éloigne au fil des années de leur valeur réelle. Certains biens sont amortis, d’autres n’apparaissent pas au bilan (c’est le cas des fonds de commerce créés par l’entrepreneur lui-même) et les réévaluations de bilan sont rares compte tenu de leur coût fiscal très élevé.
Au moment de la transmission d’une entreprise, il faut donc la réévaluer pour connaître sa valeur au jour de la transmission. Souvent, la valeur des biens au bilan est inférieure à leur valeur réelle. Par exemple, c’est le cas lorsqu’un immeuble a pris de la valeur avec le temps avec la hausse des prix de l’immobilier dans les grandes villes.
Les différences selon le type d’entreprise
Lorsqu’on parle de plus-values, il faut distinguer :
- les entreprises individuelles à l’impôt sur le revenu (artisans, commerçants, etc.) ;
- les sociétés de personnes à l’impôt sur le revenu (SCI, SNC, etc.) ;
- les sociétés de capitaux à l’impôt sur les sociétés (SA, SARL, SAS, etc.).
Lorsqu’une plus-value est réalisée dans une société à l’impôt sur les sociétés (IS), elle est imposée comme un bénéfice ordinaire. Ces formes de sociétés ne sont donc pas concernées par le régime fiscal que nous allons développer ci-dessous, ainsi que les régimes de faveur qui s’y appliquent.
Note de Manon : en ce qui concerne les sociétés à l’IS, vous pouvez vous reporter à la partie sur les droits d’enregistrement pour savoir comment optimiser au mieux le coût fiscal de la transmission.
Cette taxation ne concerne que les plus-values professionnelles, par opposition au régime des plus-values des particuliers. On parle de plus-values professionnelles dès lors que les plus-values entrent dans un des 2 cas de figure suivants: :
- L’entreprise individuelle dans le cas de la sortie du bien de son bilan, mais également l’EIRL. (Dans le cas où elle n’a pas opté pour son assimilation à une EURL soumise à l’IS).
- La société de personnes dans le cas d’une transmission de droit sociaux, à condition que l’associé auteur y exerce ou y exerçait son activité professionnelle.
Remarque : On parle de société de personnes par opposition aux sociétés de capitaux. Il s’agit de sociétés soumises de plein droit à l’impôt sur le revenu (IR). C’est à dire que les bénéfices ou déficits réalisés par la société seront imposés directement entre les mains de l’associé selon le revenu catégoriel (BIC, BA ou BNC) correspondant à l’activité de la société.
Dans le cas d’une entreprise individuelle
La transmission à titre gratuit de l’entreprise individuelle est fiscalement assimilée à une vente. Par conséquent, les bénéfices et les plus-values sont immédiatement taxés. Selon l’article 201 §1 du Code général des impôts, les contribuables ont 45 jours pour aviser l’administration fiscale de la transmission et 60 jours pour lui faire parvenir une déclaration de leur bénéfice réel.
Dans le cas d’une société de personnes
Les sociétés de personnes sont les formes de sociétés soumises à l’impôt sur le revenu. Bien que la société ait une personnalité juridique fiscale distincte de ses associés, ce sont eux qui sont imposés sur les bénéfices de l’entreprise. On trouve classiquement dans cette catégorie les SCI (sociétés civiles immobilières) ou les SNC (sociétés en nom collectif).
Lorsqu’un associé transmet à titre gratuit ses parts sociales et qu’il exerçait son activité professionnelle au sein de la société, les parts sont considérées comme des éléments d’actif affectés à l’exercice de sa profession. C’est à dire des biens inscrits à l’actif du bilan nécessaires à l’activité de l’entreprise. Les plus-values s’appliquent sur un gain sur les éléments d’actif, c’est à dire les biens inscrits à l’actif du bilan. Dans le cas d’une société de personnes, les parts ne seront considérées comme des éléments d’actif que dans le cas où l’associé exerce son activité professionnelle au sein de la société. Cela a pour conséquence que la transmission des parts relève du régime des plus-values professionnelles.
Remarque : la condition d’exercer son activité professionnelle au sein de la société ne nécessite pas que l’associé soit gérant. Ainsi, une activité même à temps partiel ou à un poste de subalterne entraîne l’application du régime.
C’est par exemple le cas d’un entrepreneur de l’immobilier qui gère et investit via une SCI. Dans le cas où il exerce son activité professionnelle au sein de la société, la transmission de ses parts relèvera des plus-values professionnelles et suivra le régime suivant.
Comment sont imposées et calculées ces plus-values ?
Rappelons que pour les cessions à titre gratuit de parts de société à l’IS (régime des plus-values des particuliers), il n’y a pas d’impôt sur la plus-value. Ici on calculera les plus-values professionnelles, relatives aux entreprises à l’impôt sur le revenu.
Le calcul des plus-values
Le montant de la plus-value est obtenu par le calcul de la valeur réelle des biens au jour de la transmission diminué de la valeur nette comptable (c’est à dire la valeur inscrite au bilan).
Remarque : dans les cas où l’amortissement comptable est différent de l’amortissement fiscal, on retient toujours le plus élevé des deux.
En pratique, il n’y a pas d’obligation d’avoir un expert en fiscalité pour calculer la plus-value : cela peut être réalisé par l’entrepreneur lui-même, le comptable, l’expert-comptable ou un avocat.
Distinguer plus-value à court terme et à long terme
Une fois que l’on a calculé le montant de la plus-value ou moins-value, il faut déterminer si elle est à court terme ou à long terme. Car l’imposition de cette plus-value va être différente selon cet élément. L’article 39 duodecies du Code général des impôts détermine cette qualification selon le tableau ci-dessous :
Nature du bien cédé | Biens figurant au bilan depuis moins de deux ans | Biens figurant au bilan depuis plus de deux ans | ||
Plus-value | Moins-value | Plus-value | Moins-value | |
Non amortissable | Court terme | Long terme | ||
Amortissable | Court terme | Court terme à concurrence des amortissements pratiqués* Long terme pour le surplus | Court terme |
*Cela signifie qu’il faut appliquer le régime du court terme jusqu’à la valeur du total des amortissements qui ont été appliqués sur le bien, puis le régime du long terme pour le surplus de la plus-value.
Note de Manon : Le régime court terme et long terme ne dépend que du fait que le bien soit amortissable ou pas et depuis quand il est inscrit au bilan. La taille du bilan ou son prix n’entrent pas en ligne de compte. Cela s’applique vraiment pour tous les biens.
Le traitement fiscal des plus-values
Au moment de la transmission, on doit faire la somme d’un côté de tout le court terme et de l’autre le long terme. Donc, on obtient une plus-value à court terme et/ou une plus-value à long terme.
Elles sont ensuite imposées de la manière suivante :
Plus-value à court terme | Assimilée à un profit classique, on l’intègre au résultat imposable. |
Moins-value à court terme | C’est une charge déductible du résultat imposable. En principe ce sera donc imposé à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux à un taux de 9,7 %. |
Plus-value à long terme | Après l’avoir déduite extra-comptablement, elle est imposée au taux de 12,8 % et aux prélèvements sociaux à un taux de 17,2 %. |
Moins-value à long terme | Elle est imputée sur les bénéfices imposables : – Dans la limite du rapport qui existe entre le taux d’imposition des PVLT et le taux normal de l’IS. En 2020 cela correspond à 12,8/28 soit 45,71%. – Et dans la mesure où cela ne génère pas de résultat déficitaire. L’excédent est donc perdu. |
L’application aux titres d’une société de personnes
Les titres sont des biens non amortissables. Si les titres sont détenus depuis moins de 2 ans, il s’agit donc de plus-value à court terme ; depuis plus de 2 ans, de plus-value à long terme.
Remarque : Si les titres n’ont pas été acquis à la même date et qu’ils ne sont pas tous transmis en une seule fois, le principe du first in first out s’applique. C’est à dire que les biens les plus anciens sont ceux qui sont réputés être transmis en premier.
Le montant de la plus-value est obtenu par le calcul suivant :
Prix de cession (valeur vénale des titres) – prix d’acquisition (majoré des bénéfices sociaux imposés entre les mains des associés mais non encore distribués).
Comparatif des différents régimes de faveur
Après avoir calculé le montant de la plus-value professionnelle, des régimes de faveur peuvent s’appliquer pour réduire (ou même faire disparaître) la plus-value avant imposition. Le tableau ci-dessous récapitule ces régimes de faveur et les conditions à remplir pour pouvoir en bénéficier.
Tableau récapitulatif des régimes généraux
Dispositifs | Régime d’exonération totale ou partielle des plus petites entreprises (Article 151 septies du CGI) | Régime d’exonération totale ou partielle des PME (Article 238 quindecies du CGI) | Régime applicable à l’immeuble d’exploitation (Article 151 septies B du CGI) |
De quoi s’agit-il ? | Exonération des plus-values professionnelles des plus petites entreprises | Exonération des plus-values professionnelles en cas de transmission d’une entreprise individuelle dont la valeur est inférieure à 500 000 euros | Abattement pour durée de détention sur les plus-values immobilières à long terme réalisées sur les immeubles d’exploitation |
Entreprises et personnes éligibles | – Entreprises relevant de l’IR – Personne physique associée d’une société de personnes – Exploitants individuels (BIC, BNC, BA) | – Entreprises relevant de l’IR – Personne physique associée d’une société de personnes – Exploitants individuels (BIC, BNC, BA) – Entreprises soumises à l’IS si l’entreprise répond à la définition communautaire de la PME* | – Entreprises relevant de l’IR – Personne physique associée d’une société de personnes – Exploitants individuels (BIC, BNC, BA) |
Actifs éligibles | Tout élément de l’actif immobilisé, y compris les parts de sociétés et les immeubles sauf terrains à bâtir. | Entreprise individuelle, branche complète d’activité ou intégralité des droits sociaux dans une société de personnes. | Immeubles d’exploitation sauf terrains à bâtir. |
Condition d’exercice préalable de l’activité | 5 ans | 5 ans | 5 ans d’affectation à l’exploitation. |
Seuils d’exonération | Recettes annuelles hors taxe en distinguant selon selon l’activité exercée par l’entreprise : – BIC (ventes et assimilées) / BA : moyenne annuelle des recettes hors taxe des deux exercices précédents inférieure à 250 000 euros pour une exonération totale, 350 000 euros pour un exonération partielle) – BIC (services) / BNC : moyenne annuelle des recettes hors taxe des deux exercices précédents inférieure à 90 000 euros pour une exonération partielle, 126 000 euros pour une exonération totale. | Valeur de la branche complète d’activité inférieure à 300 000 euros pour l’exonération totale. Ou comprise entre 300 000 euros et 500 000 euros pour l’exonération dégressive. | Aucun seuil |
Régime d’exonération | Exonération des plus-values à court et à long terme selon les seuils précédents. Si l’exonération est partielle, le pourcentage d’exonération est calculé selon la formule suivante : (seuil d’exonération – montant) / différence entre le seuil le plus bas et le plus haut. | Exonération des plus-values à court et à long terme. Si l’exonération est partielle, le pourcentage d’exonération est calculé selon la formule suivante : (seuil d’exonération – montant) / différence entre le seuil le plus bas et le plus haut. | Abattement pour durée de détention sur la plus-value à long terme : 10 % par année de détention au-delà de la cinquième année (donc exonération au bout de 15 ans). |
*C’est à dire les entreprises de moins de 250 salariés, avec un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou un bilan total inférieur à 43 millions d’euros. À condition que le capital ou les droits de vote ne soient pas détenus à 25 % ou plus par une ou plusieurs entreprises ne répondant pas à ces critères.
Articulation des régimes généraux
Pour réduire au maximum la fiscalité applicable aux plus-values, il est judicieux d’appliquer plusieurs régimes à la fois mais ils ne sont pas tous compatibles. Par exemple, le régime d’exonération des plus petites entreprises (article 151 septies du CGI) n’est pas compatible avec le régime d’exonération totale ou partielle des PME (article 238 quindecies du CGI).
Il faut ensuite savoir dans quel ordre appliquer ces régimes. Par principe, il faut commencer par appliquer le régime le plus spécifique, c’est à dire celui concernant l’immeuble d’exploitation (article septies B du CGI), et ensuite appliquer l’un des deux autres régimes.
Régimes spécifiques à la transmission à titre gratuit
Dans l’hypothèse où les régimes précédents ne sont pas applicables, deux régimes spécifiques sont prévus par le CGI :
- le régime de report d’imposition qui est susceptible de se transformer en exonération définitive au bout de 5 ans ;
- le régime d’allégement des droits en cas de décès.
L’option pour un report d’imposition
Selon les articles 41 et 151 nonies du CGI, ce report d’imposition est possible pour les entreprises individuelles et pour les sociétés de personnes. À la condition que soit transmis l’ensemble des éléments affectés à l’exploitation ou au moins une branche complète d’activité (c’est à dire un ensemble d’éléments susceptibles de fonctionner de manière autonome).
Au bout de 5 ans la plus-value est exonérée à deux conditions:
- Il faut que les biens affectés à l’exploitation n’aient pas été vendus et que l’entreprise ait poursuivi son activité pendant les 5 ans suivant la transmission.
- Dans le cas d’une entreprise individuelle, l’exploitation doit avoir été poursuivie personnellement par au moins l’un des héritiers ou donataires pendant 5 ans.
La taxation à taux réduit en cas de décès
Selon l’article 39 terdecies paragraphe 2 du CGI, les plus-values nettes constatées en cas de décès de l’exploitant sont soumises de plein droit au régime des plus-values à long terme. Il s’applique de plein droit, sauf si on opte pour le report d’imposition. Il permet donc à toutes les plus-values de bénéficier d’un taux de 30 %.
Remarque : en pratique, l’intérêt de ce régime est faible puisque les régimes vus précédemment sont dans la majorité des cas nettement plus favorables, qu’il s’agisse d’une société de personnes ou d’une entreprise individuelle.
Droits d’enregistrement et Pacte Dutreil
Le Pacte Dutreil a été instauré par la loi n°2003-721 du 1er août 2003 (dite “loi Dutreil”) sous le mandat Chirac. L’objectif du Pacte Dutreil est d’alléger le coût fiscal des transmissions dans le cadre familial, suite à un décès ou à une donation. Ainsi, grâce au Pacte Dutreil, les droits d’enregistrement (droits de mutation acquittés par le donataire qui reçoit) peuvent tendre vers 0 € même pour une société valorisée plusieurs millions d’euros.
La transmission à titre gratuit de l’entreprise, qu’il s’agisse d’une donation ou d’une succession, bénéficie d’un régime relativement favorable. L’entrepreneur et ses héritiers peuvent en effet bénéficier du Pacte Dutreil, qui permet une exonération de 75 % sur la valeur de l’entreprise transmise et ce, sous quelques conditions. Ces conditions vont être différentes selon qu’il s’agit de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une société.
Remarque pour les donateurs de moins de 70 ans : Les droits de succession et de donation doivent ensuite être calculés dans les termes de droit commun selon le lien de parenté. À la suite de cela un autre régime de faveur peut s’appliquer en cas de donation d’entreprise, qu’il s’agisse d’une entreprise individuelle ou d’une société ayant une activité opérationnelle. Ce régime permet une réduction de droits de 50 % à condition que la transmission soit en pleine propriété, que le donateur ait moins de 70 ans au jour de la donation et que les conditions exigées pour réaliser un pacte Dutreil soient remplies.
À noter : Les régimes spécifiques n’empêchent pas l’application des abattements de droit commun tel que l’abattement pour donation ou succession en ligne directe de 100 000 euros.
Exemple d’optimisation de la transmission grâce au Pacte Dutreil
Admettons qu’un actionnaire majoritaire d’une société anonyme (SAS) âgé de 60 ans souhaite faire donation de ses parts dans la société à ses deux enfants. Ses parts sont valorisées à 2 millions d’euros. Il réalise une donation-partage égalitaire entre ses deux enfants.
- Pour chaque enfant, cela fait donc 1 million d’euros transmis.
- Exonération du Pacte Dutreil de 75 % : soit 750 000 euros d’exonération par enfant.
- Abattement pour donation en ligne directe : 100 000 euros par enfant.
- Soit une assiette taxable de 1 000 000 € – 750 000 € – 100 000 € = 150 000 € d’assiette par enfant.
- Application du barème des droits de donation sur 150 000 € : on obtient 28 194 € de taxe par enfant. (Barème des droits de succession)
- Réduction de 50 % des droits dus si la donation est faite en pleine propriété par un donateur de moins de 70 ans : soit finalement 14 097 € à payer par chaque enfant.
- Solde net reçu par chaque enfant : 1 000 000 € – 14 097 € = 985 903 €.
- Taux d’imposition net de 1,41 %.
Dans ce cas, on constate qu’optimiser la transmission avec le Pacte Dutreil a permis de réduire la taxe à un moment anecdotique pour l’entrepreneur, pour un taux final d’imposition de 1,41 %. Sans le Pacte Dutreil, l’imposition aurait frôlé les 10 %.
Dans le cas d’une entreprise individuelle
Pour appliquer ce régime, il faut d’abord délimiter l’assiette, c’est à dire les biens soumis à l’impôt. Dans le cas d’une entreprise individuelle, l’exonération porte sur la totalité ou une quote-part indivise (c’est à dire une fraction de l’actif sans que l’on prenne les biens de manière séparée) de l’ensemble des biens meubles ou immeubles corporels ou incorporels qui sont affectés à l’exploitation.
Une quote-part indivise concerne le cas où l’on transmet seulement une branche complète d’activité. C’est à dire un ensemble de biens qui peuvent fonctionner de manière autonome, avoir une activité seule.
Une exonération soumise à 3 conditions
Cette exonération est ensuite soumise à 3 conditions :
- L’entreprise doit avoir été détenue par le défunt ou le donateur (ou donataire) depuis plus de 2 ans lorsqu’elle a été acquise à titre onéreux. Si l’entreprise a été acquise à titre gratuit ou créée par le donataire ou le défunt cette exigence n’est pas requise.
- Chacun des héritiers légataires ou donataires doit, dans la déclaration de succession ou dans l’acte de donation, prendre l’engagement de conserver les biens transmis pendant au moins 4 ans à compter de la date du décès ou de la donation. L’engagement doit porter sur l’ensemble des biens affectés à l’exploitation et qui sont transmis.
Remarque : le remplacement ou la vente isolée d’un bien ne caractérise pas une rupture de l’engagement. En cas de donation ultérieure, le régime de faveur n’est pas remis en cause à condition que le ou les donataires soient les descendants du donateur et qu’ils poursuivent l’engagement de conservation jusqu’à son terme.
- Un des bénéficiaires de la transmission qui a pris part à l’engagement doit poursuivre l’exploitation pendant au moins 3 ans. Et il doit exercer cette activité de manière habituelle et principale.
Attention : si cette dernière condition n’est pas respectée, ce sont tous les héritiers et légataires qui sont sanctionnés et qui sont tenus d’acquitter les compléments de droits et intérêts de retard. Alors que si c’est l’engagement de conservation des titres qui n’est pas respecté, seul celui qui n’a pas respecté l’engagement en subit les conséquences.
Dans le cas d’une société
Encore une fois, pour appliquer le régime du pacte Dutreil, il faut d’abord délimiter l’assiette, c’est à dire les biens soumis à l’impôt. Dans le cas d’une société, l’exonération porte sur la valeur des titres. C’est à dire la valeur de l’ensemble des titres qui constituent la société, donc la valeur de la société elle-même au moment de la transmission. Et cela peu importe la forme de la société, sa taille ou son régime fiscal. Elle doit simplement avoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Remarque : peuvent profiter de ce régime les sociétés holdings animatrices, c’est à dire les sociétés holdings qui participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales. Le critère essentiel pour les qualifier ainsi est donc le rôle qu’elles exercent dans la direction de la politique du groupe.
Cette exonération est ensuite soumise à 3 conditions que l’on va détailler.
L’engagement collectif de conservation des titres
Celui qui souhaite transmettre ses titres doit en principe souscrire pour lui et ses successeurs, avec l’un ou plusieurs autres associés, un engagement collectif de conservation des titres pour une durée minimale de 2 ans. Cet engagement de conservation des titres doit porter :
- Si la société n’est pas cotée : sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote.
- Si la société est cotée : sur au moins 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote.
Remarque : ces pourcentages de détention doivent être respectés tout au long de la durée de l’engagement collectif de conservation. Bien qu’il puisse y avoir des cessions ou des donations intervenant entre les parties à l’engagement collectif tant que cela reste interne.
L’engagement collectif de conservation peut être pris seul par l’auteur de la future transmission dès lors qu’il satisfait aux seuils de détention. Cela permet d’appliquer ce régime à des sociétés unipersonnelles (EURL, SASU).
Astuce : par exception, cet engagement n’est pas exigé. En effet, il est réputé acquis lorsque l’auteur de la transmission ou son conjoint, pacsé ou concubin notoire exerce des fonctions de dirigeant depuis au moins 2 ans et qu’ils détiennent ensemble depuis au moins 2 ans les pourcentages précédents. Il est donc également possible de conclure l’engagement post mortem, c’est à dire jusqu’à 6 mois après le décès de l’auteur de la transmission si ces seuils étaient respectés ces deux dernières années.
Exemple : cet engagement est une facilité. Ainsi, une personne qui a 2 % peut convaincre des personnes de faire un engagement collectif pour obtenir les pourcentages requis et bénéficier de ce régime tout en ne transmettant que 2 %. Cela permet de le faire bénéficier à des petites transmissions.
L’engagement individuel de conservation des titres
Il faut un engagement individuel de conservation des titres par les bénéficiaires de la transmission pendant au moins 4 ans. Ce délai court à compter de l’expiration du délai de 2 ans de l’engagement collectif.
Remarque : le régime de faveur n’est pas remis en cause lorsque le bénéficiaire de la transmission fait donation de ses titres à ses descendants et que ces derniers s’engagent à poursuivre l’engagement jusqu’à son terme. En cas d’annulation des titres suite à une liquidation judiciaire, scission ou fusion, le régime de faveur n’est pas non plus remis en cause.
L’engagement à la reprise de la direction de la société
Quant à la reprise de la direction de la société, une des personnes qui a pris part à l’engagement collectif de conservation doit exercer son activité principale dans la société s’il s’agit d’une société à l’IR, soit dans des fonctions de direction s’il s’agit d’une société à l’IS. Et ce pendant toute la durée de l’engagement collectif et pendant un délai de 3 ans suivant la date de la transmission.
Remarque : comme pour l’entreprise individuelle, si c’est l’engagement de conservation des titres qui n’est pas respecté, seul celui qui n’a pas respecté son engagement en subit les conséquences. Si c’est la condition relative à la reprise de la direction de la société en revanche, l’exonération est remise en cause pour tous. Et si c’est l’engagement collectif qui n’est pas respecté, cela remet en cause l’exonération à l’égard de tous, sauf si le départ de l’une des personnes n’a pas pour effet de faire passer l’engagement collectif en dessous des seuils précédents. Si la cession à un tiers fait passer en deçà des seuils, il faut que le tiers accepte de s’associer à l’engagement et dans ce cas l’engagement est reconduit pour une durée de 2 ans.
Les autres dispositifs pour réduire les droits d’enregistrement
En plus du pacte Dutreil, deux autres dispositifs permettent de réduire les droits d’enregistrement.
En cas de transmission par décès
L’article 764 A du CGI permet aux héritiers de faire valoir une perte de valeur ou dépréciation de l’entreprise qui résulte du décès du dirigeant. C’est à dire qu’il permet de prendre en compte une perte de valeur dans les cas où la valeur de l’entreprise est très liée à la personnalité de son dirigeant.
Pour le justifier, les héritiers peuvent faire état de tout élément du vivant du dirigeant, mais aussi exceptionnellement dans le délai de 6 mois suivant le décès.
En cas de donation à un salarié
Selon l’article 790 A du CGI, dans le cas où un entrepreneur souhaite donner son entreprise à un salarié, il peut bénéficier d’un abattement de 300 000 euros sur la valeur prise comme assiette des droits. Et cela sous certaines conditions :
- Les donataires doivent être des salariés de l’entreprise en CDI depuis au moins 2 ans et y exercer leur activité à temps plein.
- L’entreprise doit exercer une activité opérationnelle, c’est à dire industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, ou bien être une holding animatrice.
- Il faut que les donataires poursuivent à titre professionnelle et de manière effective l’exploitation de l’entreprise.
- Le donateur doit détenir l’entreprise ou les titres depuis au moins 2 ans si elle a été acquise à titre onéreux. Si elle a été créée cette condition n’est pas requise.
- La donation doit être en pleine propriété.
Remarque : ce régime est compatible avec le régime du pacte Dutreil. Donc les deux régimes peuvent être cumulés, mais de manière limitative. L’exonération de 75 % du pacte Dutreil ne s’appliquera alors ici qu’à la valeur du fonds de commerce. C’est à dire que l’exonération du pacte Dutreil s’appliquera sur la valeur du fonds de commerce ou la valeur des titres représentant le fonds de commerce ; et si la totalité de la valeur n’a pas été absorbée, on pourra y imputer l’abattement de 300 000 euros.
Prendre contact avec un conseiller expert en transmission d’entreprise
Optimiser la transmission à titre gratuit de son entreprise c’est donc faire une estimation fiable de sa valeur, réfléchir au plus tôt à la passation de son contrôle et optimiser son coût fiscal. Pour cela il ne faut pas hésiter à s’entourer de professionnels qui seront à même de vous conseiller.
Au delà des questions de la transmission du contrôle qui relèvent plutôt du management et de la gouvernance de l’entreprise, la problématique du coût de la transmission ne doit pas être négligée. Bien que cette transmission se fasse à titre gratuit, c’est à dire que le donateur ne reçoit pas d’argent dans cette opération, elle a un coût pour lui et le donataire. En effet, le donateur doit régler les taxes sur plus-values éventuellement constatées. Alors que la personne qui reçoit la donation doit régler les droits d’enregistrement. L’étude de l’ensemble des régimes de faveur qui pourront s’appliquer est donc indispensable pour réduire au plus bas les droits dus, voire dans certains cas les faire disparaître.
La transmission d’entreprise est un enjeu crucial pour l’entrepreneur, sa société et ses successeurs. Après lecture de cet article, vous n’êtes pas devenu un expert, mais vous avez été sensibilisé et vous disposez d’une vision d’ensemble et de pistes de réflexion. Ainsi, vous êtes mieux armé pour décider, accompagné d’un conseiller en gestion de patrimoine. Pour aller plus loin et penser également au patrimoine personnel, nous vous invitons à lire notre article sur les 5 meilleures techniques pour optimiser la transmission de votre patrimoine.