Tout n’est pas rose, si vous êtes expatrié en Suisse investir sera intéressant si vous profitez des avantages (exonération d’impôt sur les plus-values mobilières notamment) sans trop subir les inconvénients (immobilier difficilement accessible).
Il ne faut pas s’expatrier en Suisse pour ses avantages financiers et ses avantages fiscaux (ce ne doit être que la cerise sur le gâteau), il faut surtout aimer le pays et sa culture !
Note de Nicolas : Fabrice Giroulet (profil LinkedIn), médecin français expatrié en Suisse, nous explique tout sur l’investissement en Suisse et ses particularités ! Voir l’interview de Fabrice Giroulet. Par ailleurs, cet article plus générique pourra aussi vous intéresser : investissement et expatriation.
SOMMAIRE
- Investir en Suisse : quels avantages ?
- Investir en immobilier en étant expatrié en Suisse
- Emprunter en tant que résident fiscal suisse
- Comment investir en actions et immobilier quand on est expatrié en Suisse ?
- Des placements particuliers en Suisse ? Quelle fiscalité ?
- Conclusion
Investir en Suisse : quels avantages ?
Dans la mesure où la fiscalité suisse est globalement plus avantageuse que la fiscalité française, nous pouvons dire que c’est un premier avantage. Lire mon article : impôts des expatriés en Suisse (salaire et patrimoine).
Pour les investisseurs en Bourse, la Suisse ne faisant pas partie de l’Union Européenne, elle n’est pas soumise à la réglementation UCITS (et à d’autres réglementations trop longues à détailler ici). Ce qui fait que vous avez accès aux produits américains d’origine émis par les entreprises américaines, comme les ETF par exemple.
Avec Interactive Brokers depuis la Suisse (mais pas avec Degiro), vous pouvez avoir accès à l’ETF monde originel de Vanguard : VT (ISIN US9220427424). Vous avez de fait des frais de transaction extrêmement faibles, et accès aux ETF et actions fractionnées de tous les produits américains. Juste un aparté, récemment Interactive Brokers a donné la possibilité aux personnes résidentes en Europe de pouvoir acheter des produits fractionnés Européens.
Note de Nicolas : l’ETF Vanguard Total World Stock suit l’indice MSCI ACWI IMI. L’univers d’investissement est très large : il comprend les 23 pays développés et 27 pays émergents et près de 9 000 sociétés (petites, moyennes et grandes capitalisations). Personnellement je préfère l’ETF World classique qui investit “seulement” sur les pays développés (les émergents ont tendance à sous-performer) et les 1600 plus grandes capitalisations. Sur CTO, j’investis via l’ETF Ishares Core MSCI World (IE00B4L5Y983).
Autre avantage, vu qu’on parle investissement, pour les gens qui aiment investir dans l’or, l’argent ou les métaux précieux en général, il n’y a ni taxe à l’achat ni imposition en cas de plus-value. Il en est de même pour les bijoux, art, etc. En gros pour toutes les valeurs mobilières. Pour rappel, cette exonération s’applique aux particuliers. Pour les sociétés, c’est différent et il y a facilement des ressources trouvables sur Internet.
Enfin, l’immobilier suisse présente beaucoup d’inconvénients, mais un avantage : en cas d’achat de la résidence principale en Suisse, on peut déduire les intérêts d’emprunt de notre assiette imposable.
Note de Nicolas : en France, c’est uniquement possible en immobilier locatif. Pour information, en France, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, il y avait aussi eu la déduction des intérêts d’emprunt sur la résidence principale entre 2007 et 2010.
Investir en immobilier en étant expatrié en Suisse
Dans une optique d’investissement, il y a néanmoins pas mal d’inconvénients en Suisse. Le plus gros inconvénient est l’immobilier, aussi bien en Suisse, qu’en France en étant expatrié en Suisse.
L’immobilier difficilement accessible
Pour commencer avec la Suisse, l’immobilier est littéralement intouchable. Ou presque. Soit vous avez beaucoup d’argent et de gros revenus, soit vous êtes en Suisse depuis longtemps et/ou avez un bien familial à vendre.
Les prix sont extrêmement élevés et le modèle d’acquisition est diamétralement opposé à celui de la France. Je n’ai pas acheté en Suisse mais je suis très curieux et j’ai donc demandé comme cela se passait !
En effet, il vous faudra au minimum 20 % d’apport (dont la moitié obligatoirement en cash et l’autre moitié peut venir du 2ème pilier ou 3ème pilier), 5 % environ pour les frais annexes dont les frais de notaire, ainsi que les revenus nécessaires pour pouvoir déclencher un prêt. Cela fait donc 25 % du prix d’achat ce qui commence à faire beaucoup… Il y a des programmes à 10% d’apport, il y a toujours des exceptions.
Les prêts immobiliers en Suisse
En Suisse, tous les prêts sont hypothécaires pour l’immobilier. Le format des prêts est très souvent in fine. Cela veut donc dire que vous payez uniquement les intérêts, et que vous devez théoriquement rembourser l’entièreté du capital emprunté au bout de 5, 10 ou 15 ans.
Oui théoriquement. En effet, les hypothèques couvrent au maximum 80 % du prix du bien (vous avez mis 20% d’apport) et sont constituées de 2 lignes :
- La première ligne, appelée hypothèque de premier rang couvre au maximum 67 % du prix du bien.
- La deuxième ligne couvre au maximum 13 % du prix du bien. Cette deuxième ligne doit être remboursée sur 15 ans maximum de manière directe ou indirecte (cf plus bas) quelle que soit la forme du prêt.
Les prêts sur plus de 15 ans peuvent aussi être in fine mais se font dans des conditions différentes. Notamment au niveau du taux. Il s’agit de prêt illimité ‘SARON’. La particularité en Suisse, c’est que vous bloquez un taux d’intérêt pendant une durée égale à la durée de votre hypothèque de 5, 10 ou 15 ans. Pour des durées plus longues, le taux d’intérêt est obligatoirement variable (il y a de rares exceptions pour les grosses fortunes). Même sur une hypothèque de 5, 10 ou 15 ans, vous pouvez opter pour un taux variable. C’est un pari, si vous pensez que les taux vont diminuer c’est tout bon pour vous. Par contre, si cela remonte…
Les banques ne sont pas téméraires et le risk management fait en sorte que la marge soit assez grande pour éviter que vous ne soyez pris dans un étau. Ensuite, il n’est pas rare de voir des biens immobiliers acquis sur des prêts pouvant s’étendre sur 2 générations. En effet, encore une fois, l’immobilier est extrêmement cher et seulement 13 % du prix du bien est obligatoirement remboursable. Il reste donc les 67 % !
Les prix immobiliers et les investissements locatifs
Au sein même de Lausanne par exemple, les prix vont de 7 000 à 20 000 CHF le m2. À Zurich, qui est l’une des villes les plus chères du monde, le prix au mètre carré est entre 11 000 et 25 000 CHF. Vous avez à peu près les mêmes prix à Genève. Vous imaginez donc bien qu’un apport de 20 % représente énormément d’argent. Cependant, vous pouvez retrouver les prix français dans des zones rurales de Suisse ou dans certains cantons.
S’il vous vient l’idée de faire de l’immobilier locatif (appelé aussi en Suisse “immobilier de rendement”), il vous faudra un apport de 25 % du prix d’achat ainsi que les frais annexes dont les frais de notaire qui équivalent environ à 5 %. Soit, 30 % du prix d’achat.
Il en va sans dire que vous devez avoir les revenus à côté pour couvrir le prêt au cas où. La banque va ignorer le loyer ou le minorer au maximum pour réduire son risque. En effet, il n’est pas rare en Suisse dans certaines zones d’avoir de grosses vacances locatives y compris dans certaines zones de certaines grandes villes (du fait du loyer extrêmement élevé).
Vous l’aurez compris les banques suisses détestent le risque. Vos comptes sont aussi épluchés au millimètre et il faudra montrer une très bonne capacité de gestion. Ceci faisant que la grande majorité du parc immobilier suisse est détenue par les banques (prêts hypothécaires) et les grands groupes d’assurances qui ont les moyens d’acheter et de faire construire. De plus, dans l’immobilier de rendement, le taux de rendement maximum est fixé par la loi. C’est une loi fédérale et en fonction des années, ce taux de rendement maximum oscille entre 2,5 % et 3,25 % récemment.
Dans une logique de croissance patrimoniale, la Suisse n’est clairement pas un bon plan. Néanmoins, dans une logique de préservation patrimoniale ou de rente pour les gens qui pourraient avoir beaucoup d’argent, c’est une option très sérieuse à étudier.
Est-on donc condamné à être locataire à vie en Suisse ? Non. Comment ça ? Avec toutes les conditions difficiles citées ci-dessus, il est dur de croire que la majorité des gens soient propriétaires. C’est vrai, il n’y a que 40 % de propriétaires en Suisse pour 60 % de locataires, ce qui est l’exact inverse en France il me semble.
Néanmoins, dès lors que vous avez l’apport et les revenus pour pouvoir emprunter, les Suisses ont pour habitude de ne jamais rembourser le prêt in fine et donc de roller leur dette. De toute façon, encore une fois, ce n’est pas obligatoire de rembourser l’hypothèque de 1er rang qui couvre jusqu’à 67 % de la valeur du bien. En gros, à échéance du contrat d’hypothèque, un nouveau contrat est signé pour prolonger la dette, ce qui fait que vous êtes propriétaire sans vraiment l’être car le capital ne sera jamais remboursé. La vision de la propriété est finalement très culturelle (cf. aux United Kingdom).
À votre décès, les héritiers ont le choix soit de vendre la maison, soit de prolonger le contrat d’hypothèque, s’ils le peuvent, ce qui nous fait donc des prêts intergénérationnels.
De plus, être propriétaire sans endettement en Suisse n’est pas du tout avantageux. En effet, la part du patrimoine net que vous aurez amorti sera imposée sur la fortune. En effet, il existe un impôt sur la fortune et ce, dès quelques dizaines de milliers de francs de patrimoine net. Cela dépend des cantons, les grilles sont disponibles sur Internet. Pour vous donner une idée, c’est autour de 0,20 %. C’est pour ça que culturellement, il n’est pas intéressant Suisse d’amortir le capital de sa résidence principale, ni de ses biens locatifs.
Une remarque alors, même si le rendement de l’immobilier locatif peut paraître faible, il faut tenir compte du fait que votre charge ne sera que celle des intérêts, des charges habituelles de la propriété et de l’amortissement direct ou indirect (cf. juste plus bas). Néanmoins, dans le cadre d’une location classique ou meublée, vous serez le plus souvent très fortement en cashflow négatif (finalement comme en France si vous ne créez pas votre bonne affaire).
Vous pouvez faire de l’argent dans l’immobilier de rendement suisse mais de manière quasi impossible à l’échelle d’un appartement. Il faut viser les immeubles de rendement (immeubles de rapport). Le gain espéré se trouve le plus souvent sur la prise de valeur de votre bien immobilier. Mais comme partout, en achetant bien, il est possible d’avoir du cashflow positif et donc d’avoir une certaine rente sans jamais avoir à rembourser le capital.
Les prêts immobiliers sur plusieurs lignes
Encore une fois, la banque n’aime pas le risque, ou plutôt la Suisse protège ses banques (ce qui est sensé au final) et l’hypothèque se fait sur plusieurs lignes. Revenons sur cette notion. La première ligne couvre 67 % du prix du bien. La deuxième ligne qui représente au maximum 13 % du prix du bien doit être remboursée. C’est la loi.
Donc, dans la configuration maximaliste vous amortissez 13 % du prix du bien obligatoirement, soit de manière directe (comme en France) soit indirecte. Ceci se fait sur 15 ans maximum. À savoir que l’amortissement direct en Suisse se fait par période trimestrielle (très souvent) et non mensuelle comme en France.
Pour l’amortissement indirect, cela signifie que la banque vous demandera d’avoir une certaine somme nantie à l’échéance du contrat d’hypothèque (souvent répartie en des versements mensuels, trimestriels ou annuels) via un système qui s’appelle le troisième pilier, pour ensuite pouvoir « roller » votre dette. Cela permet de couvrir l’éventuelle perte de valeur du bien immobilier lors d’une vente.
Votre fortune nette augmente donc de 13 % de la valeur du bien mais le prêt court toujours. Vous pouvez ainsi poursuivre la déduction des intérêts de votre assiette imposable (ce qui expliqué pourquoi les Suisses « rollent » la dette sans jamais la rembourser). Tout est calculé en amont lors de la signature de l’hypothèque et la capacité d’amortissement directe ou indirecte est une condition sine qua non pour pouvoir emprunter. C’est pour cela que je parlais « d’avoir les revenus nécessaires ».
Finalement, au bout de 15 ans, vous possédez 20 % du bien (l’apport) + 13 % du prix du bien (remboursement de l’hypothèque de deuxième rang) soit 33 % du bien immobilier au global. Si vous avez choisi l’amortissement indirect via un troisième pilier, à votre retraite, la partie de l’argent nanti dédiée au bien immobilier est remboursée à la banque (les 13 %).
Emprunter en tant que résident fiscal suisse
Avec le statut de résident fiscal suisse, il sera très difficile de trouver une banque française prête à vous suivre. Vous pouvez toujours voir avec votre banque historique en France, mais cela risque d’être très compliqué. J’ai pour ma part réussi à acheter de l’immobilier locatif en France depuis la Suisse, mais j’ai littéralement fait le tour de 36 agences bancaires avant de trouver un financement. Littéralement.
Pourquoi tant de difficultés ? Ce n’est pas un problème de revenus, mais de structuration des établissements bancaires. En effet, un dossier d’expatrié reste un dossier complexe et la majorité des agences en France ne sont pas structurées pour évaluer ce risque, ni pour constituer de tels dossiers. En ce sens, votre demande sera le plus souvent refusée. Néanmoins, vous avez donc bien des agences structurées pour votre dossier, ou prêtes à faire l’effort de se structurer pour celui-ci, ce qui fut le cas pour ma banque. Il s’agissait de la Caisse d’Epargne Provence Alpes Corse qui était d’accord pour partir sur le projet.
Les démarches étaient bien entendu plus longues, dû au fait que mon agence et le groupe de région n’avaient pas forcément l’habitude de traiter ce genre de dossier. Par exemple, pour un autre projet j’ai contacté la Caisse d’Epargne des Hauts de France qui m’avait d’abord dit oui, puis qui s’est rétractée en disant justement qu’ils n’étaient pas structurés pour faire ceci, même si j’avais deux associés en France (investissement locatif en société). Néanmoins, vous pouvez tout de même investir en France si la majorité de vos associés sont résidents fiscaux français. Cela dépend des agences et des groupes, c’est l’une des solutions.
Si ce n’est pas pour votre résidence principale en France, il est donc assez difficile de nos jours d’obtenir un prêt pour du locatif en France en étant expatrié. Néanmoins, si vous mettez un gros apport, la banque peut être prête à fournir un effort ou est déjà structurée pour les dossiers avec gros apport. Dans la majorité des cas, on va vous demander 20 % d’apport et les frais de notaire. Ou alors aucun apport (hors notaire) mais une domiciliation des revenus suisses dans la banque, ce qui est possible pour les banques frontalières.
Vous n’échapperez pas non plus à tout le package bancaire pour faire gagner du produit net bancaire à la banque. On peut également vous proposer un nantissement sur plusieurs années, pas forcément sur la totalité de la durée du prêt, ce qui vous permet de ne pas mettre d’apport. Cependant, ce nantissement est souvent important.
Il n’est donc pas impossible d’investir en France dans l’immobilier locatif en étant expatrié mais il sera très difficile d’emprunter dans les mêmes conditions qu’en étant résident fiscal français. Il y a toujours des exceptions et à l’époque lorsque cela était encore possible j’ai pu emprunter à 110 % depuis la Suisse. Ceci est désormais devenu extrêmement rare notamment, vous le savez, en raison des recommandations du HCSF. Ce qui fait que finalement pour investir dans l’immobilier en Suisse ou en France il vous faudra le plus souvent 20 – 30 % d’apport en tant qu’expatrié.
Mais pourquoi avoir seulement démarché des banques françaises ?
Je ne pouvais pas emprunter auprès de banques suisses. Vous l’avez compris, les banques suisses n’aiment pas le risque et adorent la loi de Pareto (le 20-80 : 20 % des efforts fournissent 80 % du résultat). Elles ne prêtent pas pour de l’immobilier locatif à l’étranger (il y a toujours des exceptions pour les banques d’investissement type JP Morgan).
Les seuls cas où une banque suisse vous suivra :
- si vous achetez votre résidence principale en Suisse ;
- si vous voulez acheter votre résidence principale en France en tant que frontalier ;
- si vous voulez acheter une résidence secondaire en France ou en Suisse (bon ok vous pouvez dire que c’est pour du locatif mais ils vont vite le voir et je ne connais pas les retombées, s’il y en a).
Des crédits consommation à taux délirant
Autre point bancaire dans les “inconvénients” pour investir en Suisse : les banques suisses ne font pas de prêt à la consommation. Vous avez compris, le risque et la Suisse ça fait deux ! (L’apprentissage passe par la répétition 😅).
Donc pour avoir un crédit conso, il faut passer par des établissements de crédits. Les taux d’intérêts sont délirants et proches des 10 % TAEG pour de faibles sommes (c’est déductible de l’assiette imposable mais bon…)
Cette définition de “faible somme” diffère selon les établissements de crédit, mais 30 k€ CHF peuvent être aisément considérés comme une faible somme (j’avais directement demandé par curiosité à un organisme pour comprendre le système). Les banques suisses font des prêts immobiliers, travaux, et pour les entreprises.
Solution : le compte marge Interactive Brokers. Notre article : Compte sur marge Interactive Brokers : fonctionnement et exemple chiffré.
Comment investir en actions et immobilier quand on est expatrié en Suisse ?
Lorsque l’on est non résident fiscal français et expatrié en Suisse, pour investir dans l’immobilier, je pense avoir abordé tout ce qui me semblait important précédemment. Les informations qu’il me resterait à traiter sont celles relatives à la fiscalité que nous allons voir dans une question plus bas.
Juste une chose peut-être avant au sujet de l’investissement immobilier. En tant qu’expatrié, vous pouvez bénéficier du régime LMNP ou investir en société (SCI à l’IR ou à l’IS même en SARL, SAS, etc.). Donc vous pouvez utiliser tous les véhicules français en tant qu’expatrié pour investir dans l’immobilier.
Risque du LMNP requalifié en LMP
Mais attention ! En tant qu’expatrié, le fisc français peut vous faire passer LMP (loueur en meublé professionnel) même si vous optez pour le LMNP.
En effet, l’une des conditions au régime LMNP est que les revenus locatifs ne doivent pas excéder 23 000 € par an. Cette condition peut éventuellement être nuancée : si le montant des revenus perçus grâce à la location de biens est supérieur à 23 000 € mais qu’il représente moins de la moitié de vos revenus globaux, vous pouvez tout de même obtenir le titre de loueur en meublé non professionnel (LMNP).
Sauf que, en étant expatrié, vos revenus globaux en France sont considérés comme égaux à zéro. Ce qui fait que vous passez automatiquement en régime LMP (Loueur en Meublé Professionnel) dès lors que vous dépassez ce montant de recettes. Ennuyant, car le régime LMP est moins intéressant que le régime LMNP.
La TVA sur les biens immobiliers
Autre point important concernant la TVA et l’achat de biens immobiliers en nom propre (donc hors investissement en société) en tant que résident fiscal non Union Européenne. Selon l’article 259 B du Code Général des Impôts, « le lieu de certaines prestations est réputé ne pas se situer en France lorsqu’elles sont fournies à une personne non assujettie qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence habituelle dans un État membre de l’Union européenne ». Tout ça pour dire que vous n’êtes pas assujetti à la TVA.
Sauf que, « par exception toutefois, les prestations se rapportant au transfert d’un titre de propriété d’un bien immobilier, à l’octroi ou au transfert de certains droits sur un bien immeuble, à l’octroi ou au transfert de droits réels immobiliers, peuvent être considérées comme modifiant le statut juridique d’un immeuble. Il en est notamment ainsi pour l’établissement des actes et conventions par lesquels des droits réels ou personnels sont consentis sur un immeuble. Ainsi, l’achat par un non-résident hors UE d’un bien immobilier situé en France demeure soumis à TVA, que cela soit sur les émoluments du notaire, ou sur le prix de vente d’un bien en l’état futur d’achèvement. En revanche, la prestation du conseil relative à l’optimisation juridique et économique de l’opération, ainsi qu’à sa structuration demeure quant à elle exonérée de TVA ».
Tout ça pour dire quoi ? Que je ne suis ni juriste, ni avocat, mais la simple idée de voir cet assujettissement à la TVA rendu possible par la loi ne me donne pas envie d’acheter en nom propre ou en VEFA (vente en état futur d’achèvement) en étant expatrié en Suisse.
Il est de toute manière plus intéressant d’acheter en société lorsque vous êtes expatrié en Suisse pour de multiples raisons que nous développerons dans la question traitant de la fiscalité.
L’investissement en bourse
Concernant la bourse, je pense également avoir dit tout ce qui me semblait important. Retenez juste qu’en Suisse, nous avons la chance d’avoir accès à tous les produits boursiers mondiaux (sauf la Chine, mais ça c’est tout le monde) via Interactive Brokers, qui est à mon sens le meilleur broker pour les expatriés en Suisse.
En cas de retour en tant que résident fiscal Français, vous conservez les produits originaux américains que vous auriez pu acheter. Mais vous ne pouvez pas en acheter de nouveaux et vous devrez vous rabattre sur les produits aux normes UCITS.
Néanmoins, si vous êtes en plus-value latente, à votre place je vendrais le nombre d’actifs correspondant pour récupérer la plus-value nette d’impôt avant de revenir en France tant que l’imposition est à zéro. Car je rappelle qu’il n’y a pas d’impôt sur les plus-values mobilières en Suisse.
Note de Nicolas : avant de vous expatrier (en Suisse, et plus généralement hors de France), pensez à ouvrir un PEA. Car le PEA ne peut être ouvert que lorsqu’on est domicilié en France. Hors de France, vous pourrez continuer d’investir sur votre PEA. En revanche, vous pouvez ouvrir sans problème le compte-titres ordinaire (comme chez Interactive Brokers, notre avis) hors de France. Ouvrez également une bonne assurance vie avant de partir à l’étranger, car il est possible d’ouvrir hors de France mais ce sera beaucoup plus compliqué et le choix sera restreint. De plus, l’assurance vie luxembourgeoise peut s’avérer très intéressante en raison de la neutralité fiscale du Luxembourg : c’est la fiscalité du pays de résidence (Suisse ici) qui prévaut et il n’y a pas de taxe au niveau du Luxembourg.
Des placements particuliers en Suisse ? Quelle fiscalité ?
Non. Enfin si, mais tous les comptes épargne, jeunes, etc. sont rémunérés à 0 % ou presque (0,25 % pour l’épargne jeune). Considérez que cela n’existe pas. Cela sert juste à ne pas trop avoir sur son compte courant.
La Suisse est contre la thésaurisation. Elle est pro investissement. Aussi bien en immobilier que dans les marchés financiers et dans les entreprises.
Pour l’anecdote, à ce jour, dès 500 000 CHF sur un compte en banque, vous payez un intérêt selon les banques. Oui, c’est à vous de verser des intérêts à la banque. On est loin du concept de monnaie fondante, mais c’est un bon début et personnellement je trouve ça bien dans une logique qui pousse à faire tourner l’économie ou à investir.
Une exception cependant. Le troisième pilier. Je ne l’ai pas oublié…Lire mon article : le troisième pilier Suisse : fonctionnement et avantages
Note de Nicolas : la France est une exception mondiale avec son livret A, livret jeune, PEL…et les fonds euros. On peut trouver cela bien, du rendement sécurisé garanti autour de 2 %. En effet, c’est largement mieux que dans les autres pays, dans l’univers des placements sécurisés. Mais il y a un effet pervers : les Français ont donc tendance à tout épargner sur ces placements sécurisés, plutôt que d’investir sur ce qui est bien plus rémunérateur à long terme (actions et immobilier). J’avoue moi aussi préférer la philosophie Suisse, qui encourage l’investissement productif plutôt que la thésaurisation.
Quelle fiscalité en Suisse ? Vaste programme, j’explique ici : impôts des expatriés en Suisse (salaire et patrimoine).
Conclusion
Merci Fabrice Giroulet (profil LinkedIn) pour ces explications sur l’investissement pour expatriés en Suisse ! Finalement il y a du bon (exonération d’impôt sur les plus-values mobilières) et du moins bon (l’investissement immobilier et l’emprunt sont compliqués).
Pour aller plus loin :
- l’interview de Fabrice Giroulet, avec ses investissements et son allocation patrimoniale.
- Impôts des expatriés en Suisse (salaire et patrimoine)
- Le troisième pilier Suisse : fonctionnement et avantages
- Investissement et expatriation (article générique).
28 commentaires sur “Expatrié en Suisse : investir”
bonjour ! j’aimerais ouvrir un compte YUH pour avoir des devises CHF. Jai très peur de la dépréciation de leuro .J ai accès à des ETF , via YUH, mais je n’ai pas très bien compris la fiscalité suisse pour les ETF capitalisant. je suis débutante et un peu perdue en ce qui concerne la fiscalité du placement des ETF . Je suis résidente française et retr française ! merci pour votre réponse
Bonjour Sylvie,
Vous êtes résidente française, donc fiscalité française.
Fiscalité du CTO ou du PEA, selon l’enveloppe avec laquelle vous investissez (je ne connais pas YUH mais je suppose qu’il s’agit d’un CTO pour pouvoir investir en CHF).
Fiscalité du CTO : https://avenuedesinvestisseurs.fr/comprendre-investir-bourse/cto-compte-titres-ordinaire/#menu3
Hello Nicolas et Sylvie,
Yuh est un joint-venture qui sert de compte courant suisse (banque swissquote et Postfinance) multidevise. Il est possible d’y investir en ETF et il s’agit d’un compte titre ordinaire. Donc fiscalité du compte titre ordinaire en France (30% flat tax sur les plus-values encaissées et les dividendes reçus). Si tu débutes je te déconseille d’utiliser Yuh pour des ETF au départ. Il y a de quoi dans le site pour s’acculturer ou alors le livre Investissez votre épargne. Yuh, vu de la France, est un bon moyen d’avoir une diversification en devise indirectement dans une banque en suisse.
bravo pour vos articles extrêmement pertinents !
Merci Sylvie 🙂
Merci beaucoup pour cet article très intéressant.
Je prévois de m’expatrier, mais je ne sais pas encore pour combien de temps.
J’ai bien compris l’importance d’ouvrir certains produits comme le PEA et les assurances-vie.
Que recommandez-vous en termes d’investissement pour un expatrié ? Faut-il continuer à investir dans des produits français comme le PEA et les assurances-vie françaises, ou serait-il préférable d’ouvrir de nouveaux produits en Suisse ?
Pensez-vous qu’il serait pertinent d’ouvrir un 3ème pilier si je ne reste que quelques années ?
Bonjour Pierre,
C’est développé ici dans l’article : https://avenuedesinvestisseurs.fr/expatrie-en-suisse-investir/#bourse-actions-immobilier
Notamment CTO, et assurance vie luxembourgeoise, qu’il vaut mieux ouvrir tant que vous êtes encore en France.
Pas de produits particulièrement intéressants en Suisse (à part éventuellement le 3ème pilier).
Bonjour Pierre,
Pas un conseil mais à titre d’exemple. Depuis mon départ en Suisse je n’investis plus en PEA, uniquement en CTO. Si un jour je rentre définitivement en France et que le PEA existe encore, j’arbitrerai vers cette enveloppe.
Merci pour cet article très complet. Etant frontalier et travailleur dans le canton de Genève, je réfléchis à demander le status de quasi résident. Est-ce que cela me permet de bénéficier de la fiscalité Suisse sur les plus values mobilières?
Merci d’avance.
Bonjour Alex, concernant les plus-values mobilières, c’est la résidence fiscale principale qui fait foi. Et c’est donc, selon la définition de la France, la France si vous vivez en France. Le statut de quasi-résident concerne uniquement la partie impôt sur le revenu et permet d’avoir le même calcul et déductions de frais qu’un résident suisse.
Bonjour Nicolas, merci pour ce super article. Je m’apprête à déménager à Genève. J’ai 2 DAT en France, 1 assurance vie et un PER. Je me demandais si les sommes seront imposées à l’impôt sur la fortune en Suisse si je conserve tout en France (en application de la convention fiscale franco-suisse) ? Un immense merci, Marie
Hello Marie,
Bienvenue en Suisse !
Tous les avoirs de tous les comptes mondiaux sont imposés sur la fortune en Suisse si tu es résidente fiscale suisse. Y compris les parts de sociétés (SCI etc). Y compris les objets de valeur. Néanmoins, le taux d’imposition reste négligeable. L’impôt sur la fortune se fait au niveau cantonal et communal. Il faut donc faire la somme des deux taux. C’est en pour mille. Par exemple sur la ville de Geneve pour 355 000 CHF de fortune, cela fait au total 807 CHF (canton de Genève + ville de Genève). C’est un barème en tranche.
Bonjour à tous,
Un grand merci pour votre article.
Pour compléter l’article, serait il possible d’avoir votre avis concernant l’investissement dans les cryptomonnaies en Suisse, notamment un comparatif des meilleures plateformes pour les investisseurs basés en Suisse ?
Il y a peut être quelques spécificités locales ?
Belle journée à tous et bonne lecture.
Bonjour Max,
Il n’y a pas de spécificité locale si ce n’est l’absence d’imposition sur les gains en capitaux pour les personnes physiques (sous conditions mais aisées à rencontrer). Le tryptique Binance, Kraken, Coinbase reste en pole.
Bonjour,
Quelle banque conseilleriez-vous pour ouvrir un compte titre en Suisse?
Je précise ma requête: je recherche un organisme basé en Suisse.
Dans cette article, on parle de IB, mais IB me semble basé en Irelande, donc dans la zone euro.
L’idée est de trouver un organisme bancaire de droit suisse, non soumis aux aléas de la zone euro (en cash de crash de l’euro ou autre évènement de ce genre).
Bien Cordialement,
Thibaut
Bonjour Thibaut,
Dans ce cas il faut regarder les banques dépositaires et non le siège de l’entreprise. Et celles ci diffèrent selon les zones. Pour la Suisse c’est IBKR UK qui gère. Sauf si cela a changé, les banques dépositaires principales pour les clients zone Suisse ou hors EEE mais en europe, sont la Citi banque ou JP Morgan à la city de Londres. Cela dépend du type de compte et de ce qu’il y a dedans en actifs. Londres n’étant plus en UE. Aussi, les lois de la City diffèrent de celles de Londres, c’est un système spécial. On pourrait vraiment parler d’Etat dans l’Etat. La liste des banques dépositaires ici.
Sinon, swissquote. Sinon les banques en ligne Yuh et Neon.
Bonjour la communauté ADI,
Un grand merci pour cet article très utile. En effet, je vais – très – prochainement m’expatrier en Suisse avec ma compagne et je m’interroge sérieusement sur les « enveloppes » qu’il convient de conserver et les autres qu’il conviendra d’ouvrir une fois sur place.
Je me permets de solliciter votre avis concernant le CTO : faut-il l’ouvrir avant de s’expatrier ou les modalités sont les mêmes une fois sur place ? D’après vous, quel est le meilleur choix entre Interactive Brockers et Trade Republic pour un expatrié en Suisse ?
Merci à vous et bonnes fêtes de fin d’années !
Bonjour Clément,
Il vaut toujours mieux ouvrir les placements avant de quitter la France, c’est plus facile.
Entre IB ou TR, à vous de voir, IB est très « sobre » et le plus reconnu à l’internationnal, mais TR est plus accessible et « user friendly ».
Bonjour Clément,
Bienvenue en Suisse ! Tu peux ouvrir sur place ou avant. Il faudra juste faire une demande de changement de résidence fiscale. IBKR de loin (voir l’offre Interactive Brokers), pour les possiblités d’investissements depuis la Suisse. En effet, cela débloque tous les produits US natifs (ETF US, bonds US etc…).
Bonjour,
Je suis frontalier (habitant français et travailleur suisse) depuis 2 ans et possède un PEA ainsi qu’un CTO. Je viens de découvrir l’avantage fiscal d’investir en bourse en Suisse. Je me demande par contre si je peux en bénéficier et ouvrir un compte chez un courtier en Suisse, ou si ce n’est que pour ceux qui y résident (ce qui me semble le plus probable).
Si quelqu’un peut m’éclairer à ce sujet je suis preneur.
Bonjour Diego,
Tu peux ouvrir chez un couriter suisse sans problème. Néanmoins, si tu es frontalier et que tu vis en France (résidence principale), tu auras la fisclaité française. Même si tu travailles salarié à Genève par exemple et que tu payes l’impot à la source en Suisse du fait de la convention, tu restes résident fiscal français dans le droit fiscal.
Bonjour,
Pour les EFT, il me semble que la fiscalité en Suisse varie en fonction du pays de domiciliation de ces ETF. Elle est en revanche identique, que les dividendes soient versées ou capitalisées.
Dans ce contexte quelle ETF world et quelle ETF Suisse préconisez-vous ?
Quel est l’interêt d’avoir des ETF à capitalisation en Suisse?
Bonjour Delphine,
Pour les ETF, si l’ETF est capitalisant, le fisc suisse considère que tout le gain en capital est lié à la fiscalité des dividendes et non des plus values mobilières. Cela entraîne une fiscalité sur le capital en cas de revente alors qu’avec des ETF distribution non, les dividendes issus de la distribution et les gains en capitaux étant bien identifiables. Donc, il y a même un désavantage à prendre des ETF capitalisant en Suisse. Je n’ai pas remarqué de fiscalité différente entre les différents ETF des différents pays.
Pour ma part, je prends l’ETF monde VT en dollars et distributif. Pour intégrer le « home biais » suisse et pour jouer le rôle de couverture je prendrais des obligations d’état suisses moyen terme (7-10 ans). Pour ma part, j’ai adopté un global nomad portfolio ETF monde VT / ETF obligation état US moyen terme BND, en répartition selon mon âge donc 80-20 (110-age pour la partie action avec un minimum d’action de 60% dès 50 ans).
Bonjour,
ETF « VT » ?
Je suis français en Suisse depuis plus d’1 an et je me demande ce que je dois faire ayant un PEA en France ainsi que des assurances vies (Yomoni, Linxea Spirit) où il n’y a pas grand chose (j’avais pris date).
J’ai vendu ma résidence principale en France ce qui constitue à peine les 20% nécessaires à l’acquisition d’un bien immobilier ici…
Merci
Bonjour Olivier,
Fabrice donne le code ISIN de l’ETF VT ici en début d’article : https://avenuedesinvestisseurs.fr/expatrie-en-suisse-investir/#avantages
Vous avez un PEA (précieux et vous ne pourrez plus en rouvrir de l’étranger !) et 2 bonnes assurances vie, à conserver selon moi.
Merci Nicolas.
Le PEA est cependant soumis à l’impôt je crois en tant que résident suisse.
bonjour,
merci pour tous vos articles qui sont très précieux.
pourquoi considérez vous intéressant de garder un pea et les assurances vie si on part habiter en Suisse ? cela fait plusieurs fois que je vois cela sans bien en comprendre les avantages.
merci par avance !
Bonjour,
Car vous reviendrez probablement un jour vivre en France.
Et vous serez alors heureux d’avoir un PEA et des assurances vie matures fiscalement.