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Le troisième pilier Suisse : fonctionnement et avantages

3ème pilier retraite suisse

Le 3ème pilier Suisse est un produit d’épargne similaire au Plan épargne retraite (PER) français, bien que créé bien avant (1972). Un petit peu d’histoire helvétique pour comprendre le contexte de celui-ci. 

Le 3 décembre 1972,  les citoyens et les citoyennes suisses avaient le choix de voter pour un système de retraite très majoritairement par répartition (comme en France), ou alors donner une part très minoritaire à l’État dans les retraites.

Résultat du vote : une majorité de 75 % décide d’inscrire dans la Constitution fédérale le principe dit des « trois piliers » et la prévoyance professionnelle obligatoire (2ème pilier ou encore appelé LPP). 

Ce qui nous donne donc :

  • En 1er pilier : l’État, par les cotisations obligatoires à l’assurance vieillesse et survivants (AVS) ; et assurance invalidité (AI) qu’on soit salarié ou non. 
  • En 2ème pilier : la prévoyance professionnelle (LPP) qui vous est prélevée sur le salaire en tant qu’employé, et que votre employeur complète. Généralement c’est entre 50 % (vous) / 50 % (employeur) ; et 40 % (vous) / 60% (employeur). Si vous êtes indépendant, la cotisation au 2e pilier est facultative. 
  • Et le 3ème pilier divisé en pilier 3a et 3b, objet de notre article.

Donc le peuple suisse a voté pour une retraite en majeure partie par capitalisation. Les arguments avancés pour ce système à l’époque étaient ceux d’une anticipation d’un vieillissement de la population et que l’État ne pourrait pas suivre au niveau des rentes avec un système de retraite par répartition. 

Pour l’anecdote, même si aujourd’hui la part de l’État est minoritaire dans la constitution d’une retraite suisse, il n’arrive déjà plus à suivre sur sa partie (selon la définition Suisse, la caisse de retraite AVS est en effet excédentaire à l’instant T mais les réserves diminuent). Le choix du peuple suisse s’est donc fait presque unanimement sur la responsabilisation personnelle et une préservation de l’État.

Il y a 2 types de 3ème pilier : le 3ème pilier a et le 3ème pilier b. Commençons par le a.

Note de Nicolas : Fabrice Giroulet (profil LinkedIn), médecin français expatrié en Suisse, nous explique tout ! Voir l’interview de Fabrice Giroulet.

SOMMAIRE

Pilier 3a : combien verser ? Quel avantage fiscal ?

À l’instar du PER, vous allez pouvoir épargner dans ce produit et ainsi avoir des avantages fiscaux. Comme le PER encore une fois, vous avez le droit de déduire vos versements de vos revenus imposables (pilier 3a), ou de ne pas les déduire (pilier 3b). Nous verrons les différences entre ces 2 piliers lorsque nous évoquerons le pilier 3b.

Vous pouvez verser en tant que salarié, ou travailleur non salarié (indépendant) ayant choisi d’opter pour un 2ème pilier, un maximum de 6 883 CHF par an (plafond 2022). 

Si en tant que travailleur non salarié (indépendant) vous n’avez pas souscrit à un 2ème pilier, le plafond 2022 est de 34 416 CHF par an

Ces versements seront déduits de votre assiette imposable.

Pilier 3a : concrètement, je verse où ? Chez qui ? Et où va l’argent ?

Là encore il y a beaucoup de similitudes avec le PER français. Vous pouvez passer soit :

  • par un assureur, ce qui vous fait ouvrir un « pilier 3a assurance » ;
  • par des organismes en ligne ou des banques, ce qui vous fait alors ouvrir un « pilier 3a bancaire ». 

Le fait de passer par un assureur va très souvent vous couvrir contre différents risques tels que l’invalidité, le décès etc. Ce sont bien des prestations d’assurance vie et c’est pour cela qu’on parle de « 3eme pilier a assurance ». On parle alors de contrat d’assurance vie lié à un pilier 3a. Ce n’est pas obligatoire, mais on vous propose ça très souvent. En gros, le pilier 3a sert d’enveloppe pour y glisser des contrats d’assurance vie. 

Note de Nicolas : attention, ce qu’ils appellent “assurance vie” en Suisse, c’est en réalité une assurance décès / invalidité. Pas comme notre assurance vie produit d’épargne.

Le fait de passer par un organisme en ligne ou bancaire vous donne plus de liberté mais vous n’aurez pas de couverture de risque (à moitié vrai désormais avec un organisme en ligne : VIAC, qui vous couvre l’invalidité ou le décès à hauteur d’un capital de 2 500 CHF par tranche de 10 000 CHF investis avec un maximum de 250 000 CHF de couverture). Je ne vais pas m’étendre sur ce sujet, et si cela vous intéresse vous pouvez voir l’excellent article de blog de Marc Pittet sur le sujet. 

De manière générale, les « 3ème pilier a assurance » sont à éviter sauf si vous avez un risque de santé à couvrir. En effet, si vous avez un travail de cadre salarié, l’assurance invalidité suisse (AI, 1er pilier) combinée au 2ème pilier (LPP) sont censés couvrir correctement votre train de vie.

Si vous êtes indépendant, inutile de vous dire qu’il faut prévoir ce cas-là soit seul, soit via un 2ème pilier. En effet, plus vous avez gagné, plus vos cotisations assurance invalidité ont été grandes (elles sont néanmoins limitées à un certain montant) et plus vos cotisations 2ème pilier aussi (logique, salaire plus haut). 

Encore une fois, c’est à calculer. Et si vous vous rendez compte qu’avec les prestations étatiques d’assurance invalidité et du deuxième pilier votre train de vie n’est pas couvert correctement, vous pouvez alors souscrire à un « 3ème pilier a assurance », voire « 3ème pilier b assurance », qui vont venir compenser la perte financière pour avoir le même train de vie. Les assureurs vous calculent cela volontiers.

Quand je parle des assureurs, je parle de Axa, Generali, etc. Je ne vais pas m’étendre plus loin dans ce débat, allez lire l’article de Marc ! Si vous avez un risque de santé à couvrir particulier, plutôt que de lier une prestation d’assurance vie à un 3ème pilier a, Marc vous dresse la liste des meilleures assurances vie.

Comment est placé l’argent ?

L’argent est placé dans des fonds d’investissement. Vous avez le choix entre une gestion pilotée ou libre en fonction des assureurs, des organismes en ligne ou des banques. Vous pouvez choisir entre une répartition « risque » et « sécurisée ». 

Pour la partie risque, vous aurez le choix entre différents fonds d’investissement exposés aux marchés financiers. Certains fonds d’investissement sont en fait composés d’un panier ETF, d’autres sont gérés activement avec un certain panier d’actions et un certain turn-over. 

Pour la partie sécurisée, vous avez rarement le choix et l’argent ira dans des actifs moins rémunérateurs : souvent immobilier ou le cash. Chez certains assureurs, organismes en ligne, banques, vous pouvez choisir d’exposer votre partie sécurisée à des obligations

Par exemple, avec l’organisme VIAC vous avez une certaine liberté de répartition de votre portefeuille. Vous pouvez uniquement choisir des fonds (stratégies) exposés à x % de « risque » et y % de « sécurisé », sans choisir précisément les actifs au sein de ces catégories. C’est de l’investissement mono stratégie.

Ses concurrents sont Finpension, Frankly, Selma, Descartes prévoyance et les frais sont faibles. Vous pouvez aussi passer par votre banque, UBS par exemple, les frais seront beaucoup plus importants. 

Avec Axa, vous pouvez aussi choisir votre pourcentage de répartition « risque-sécurisé », mais vous ne pouvez choisir que les actifs de la classe « risque ». La partie « sécurisée » étant par défaut déléguée à 100 % à l’assurance. Pour la classe risque, vous avez le choix entre plusieurs fonds d’investissement exposés 100 % actions dont certains suivent des indices boursiers.

Pilier 3a : quels frais ?

C’est très simple, les frais de gestion les moins importants sont chez les organismes en ligne cités ci-dessus. Après, viennent au coude à coude les banques et les assureurs.

Il faut aussi faire attention à tout autre type de frais, tels que les frais de versement, de retrait, d’arbitrage, etc.

Note de Nicolas : comme sur nos assurances vie, il peut y avoir de multiples couches de frais. Nous expliquons les différents frais ici.

Pilier 3a : la performance ?

La performance de ce placement dépend des choix des produits qui auront été faits pour vous ou que vous aurez choisi. Dans le sens où vous êtes exposé aux marchés financiers, votre performance est celle des marchés financiers moins les frais en tout genre. 

En chiffre, cela donne quoi ? Si vous partez sur un portefeuille monde par exemple 60-40 (60% actions et 40% obligations ou « sécurisé »), vous n’aurez pas la performance de cette répartition originale. C’est-à-dire que vous serez à long terme souvent en dessous du benchmark. Pourquoi ? Frais trop importants ? Non… 

Allocation surpondérée sur la Suisse

Il y a une particularité en Suisse (c’est la loi) qui fait que votre exposition, même mondiale, sera surpondérée sur la Suisse par rapport à son réel poids dans les marchés mondiaux. Par exemple, le fonds d’investissement global 100 de VIAC, composé à 97 % d’actions et 3 % de cash est surpondéré à 38 % en Suisse, pour une exposition 34 % Amérique du nord et 12 % Europe

Un autre exemple, avec enfin des chiffres : le fonds d’investissement global 60 de VIAC est composé de 60 % d’actions, 10 % d’immobilier, 4 % de matières premières et 26 % de cash. Sa performance est de 5 % annualisé net de frais sur 5 ans (juillet 2022), versus un « vrai » 60-40 qui est à 7,96%.

Je n’ai pas les données VIAC pour plus d’années. Cette hypothèse de rester souvent en dessous du benchmark n’est valide que si, dans le futur, le marché US continue de surperformer le marché Suisse. N’oubliez pas qu’entre les années 50-90 le Japon surpassait tous les autres marchés. On connaît la suite…

Note de Nicolas : on parle du marché actions suisse dans notre article sur les meilleures actions européennes. Relativement à sa population (un peu plus de 8,7 millions d’habitants), la Suisse dispose d’un marché relativement développé. Avec 3 multinationales (Nestlé, Roche, Novartis) pesant 50 % de l’indice MSCI Switzerland.

Pilier 3a : les conditions de retrait

Qui dit avantage fiscal (vos versements déduits de votre assiette imposable) dit conditions de retrait. C’est strictement encadré, ce qui rend les choses simples.

Vous pouvez prélever votre pilier 3a au moment où vous prenez votre retraite. Ou, au plus tôt, cinq ans avant l’âge ordinaire de la retraite (64 ans pour les femmes, 65 ans pour les hommes).

Le retrait anticipé est possible si : 

  • vous voulez acheter ou faire construire votre logement principal en Suisse, 
  • vous quittez définitivement la Suisse, 
  • vous voulez vous mettre à votre compte (vous passez de salarié à indépendant), 
  • vous voulez changer d’activité lucrative indépendante, 
  • vous voulez racheter des années d’assurance auprès d’une institution de prévoyance du 2ème pilier, 
  • vous recevez une rente d’invalidité complète de l’AI (1er pilier, assurance invalidité étatique Suisse) et le risque d’invalidité n’est pas assuré par un autre prestataire. 

Sachez qu’en cas de retrait anticipé via assureur, vous retirez ce que l’on appelle la valeur de rachat. Cette valeur de rachat est bien inférieure selon le moment du retrait par rapport à ce que vous aurez investi. Les gains vous sont reversés avec parfois une pénalité. C’est l’une des raisons pour lesquelles il n’est pas intéressant de faire un pilier 3a via un assureur, sauf si vous voulez couvrir un risque de santé. 

En effet, je ne l’ai pas précisé plus haut, mais vous pouvez ouvrir plusieurs piliers 3a. Cependant le plafond de versement maximal annuel n’est pas cumulable. Il est même conseillé d’ouvrir plusieurs piliers 3a chez un même intermédiaire ou chez plusieurs, afin d’optimiser la fiscalité lors du retrait à la retraite.

Pilier 3a : l’imposition des retraits

Comme le PER, si vous avez choisi de déduire vos versements, il y a une imposition à la sortie. En effet, lors du retrait, qu’il soit anticipé ou à date vous devez retirer la totalité. 

Oui, il y a donc une fiscalité de sortie. Le taux d’imposition est un taux spécialement prévu pour les retraits des capitaux de prévoyance et est différent selon les cantons.

Le taux d’imposition s’exerce sur la totalité des capitaux retirés provenant de cette source et il dépend du montant. Si vous fermez deux de vos 3eme pilier a dans la même année, le taux se base sur la somme des 2 piliers 3a agrégés (et non calculé séparément). Il n’y a aucune relation linéaire entre les différents paliers, et le fait de, par exemple, retirer deux fois 250 000 CHF sur 2 années différentes coûte moins cher que de retirer une fois 500 000 CHF sur la même année.

D’où l’intérêt d’en ouvrir plusieurs et de les fermer petit à petit dans les 5 ans avant l’âge légal de la retraite (clause de fermeture permise par la loi, cf. ci-dessus).

Fermeture échelonnée des piliers 3a pour limiter l’imposition : attention selon les cantons

Il y a des limitations fiscales quant à la fermeture échelonnée de vos piliers 3a. La Suisse est fédérale et cela dépend des cantons. Pour les cantons suisses romands, vous avez le canton de Vaud et de Genève qui limitent à 3 échéances (donc 3 années d’échelonnement) et celui de Neuchâtel à une seule échéance.

Vous pouvez toujours avoir un nombre illimités de piliers 3a car rien dans la loi ne l’interdit mais dans les cantons en question vous ne pourrez pas échelonner. Autrement dit, ces cantons vont appliquer le même barème au bout d’un moment (après la 3ème fermeture pour Vaud et Genève et après 1 seule fermeture pour Neuchâtel) que vous retiriez par exemple 100 000 CHF en 1 coup ou en deux fois 50 000 CHF une année sur l’autre. 

En effet, ces cantons considèrent ce système d’échelonnement des retraits comme une évasion fiscale. À noter que, dans l’ordre, les cantons de Neuchâtel, Genève et Vaud (dans une certaine mesure) sont ressentis en Suisse romande comme des enfers fiscaux par la population.

Le pilier 3b (prévoyance libre)

Concrètement, le 3e pilier b fonctionne comme le 3e pilier a, mais il n’y a pas de plafond de versement (car les versements ne sont pas déductibles des revenus imposables) et ceux-ci ne sont pas soumis à imposition lors du retrait. 

Vous pouvez aussi bien le faire avec un assureur, avec un organisme en ligne, avec une banque. Hors assurance, c’est à considérer comme un produit d’épargne libre avec intermédiaires… cela n’a aucun intérêt si de votre côté vous investissez en bourse à long terme par exemple.  

Le seul intérêt de passer un assureur serait de couvrir de manière plus étendue un risque de santé, des rentes de veuvage etc. J’insiste, cela fonctionne comme le 3e pilier a. Les modalités de retrait etc. restent les mêmes.


Note de Nicolas : la France s’est grandement inspirée du 3ème pilier suisse, notre PER (arrivé 50 ans plus tard !) est très proche dans son fonctionnement. Choix entre gestion pilotée ou gestion libre, entre fonds euros sécurisés et fonds d’investissement, entre la défiscalisation ou non, retrait à la retraite avec des cas de sortie anticipée. Et attention à choisir les meilleurs PER (moins de frais et meilleurs fonds).

Merci Fabrice Giroulet (profil LinkedIn) pour ces explications sur le 3ème pilier ! Un placement essentiel à comprendre pour tous les expatriés en Suisse.

Pour aller plus loin :

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4 commentaires sur “Le troisième pilier Suisse : fonctionnement et avantages”