Suite à la publication de l’article où je relate mes déboires avec ma banque privée (lire mon avis sur cette banque privée), nous avons eu un retour d’un conseiller patrimonial en commentaire.
Il travaille dans une autre banque que celle à laquelle j’ai eu affaire. Il nous a partagé sa vision du métier, mais aussi ses déceptions. Des déceptions qui trouvent leurs racines dans le mode de fonctionnement de la banque et le management des équipes.
Nous avons pensé que ce retour d’expérience pratique d’un professionnel, de l’autre côté de la barrière, serait un témoignage intéressant à partager. Le conseiller bancaire a accepté de jouer le jeu de l’interview, en gardant l’anonymat.
SOMMAIRE
- Le métier de conseiller patrimonial en agence bancaire
- Des conseillers poussés via un système de prime à la performance
- Frustration et désillusion
- Anecdotes et journée type du conseiller bancaire
- Prenons de la hauteur : recommandations
Le métier de conseiller patrimonial en agence bancaire
Q. Quel poste occupez-vous en banque ?
J’occupe un poste de “conseiller haut de gamme” dans une agence bancaire de clients particuliers. Ce poste peut s’appeler “conseiller en gestion de patrimoine” ou “conseiller privé” ou encore “conseiller patrimonial” selon les réseaux bancaires.
L’agence à laquelle je suis rattaché est située dans une zone de chalandise très aisée. Il s’agit de l’agence historique d’une très grande ville française avec la clientèle ad hoc.
Q. Quel type de placements et produits sont proposés à la clientèle ?
Nous proposons tous les types de placements et produits bancaires et connexes :
- comptes de dépôts (comptes courants),
- cartes bancaires,
- épargne de bilan (les livrets),
- épargne dite “hors bilan” (SCPI, assurance vie, FCPR, GFF, GFV, SOFICA, etc.),
- assurances de biens (habitation, auto) et de personnes (prévoyance),
- crédits renouvelables, à la consommation, immobiliers,
- immobilier neuf en VEFA (Vente en État Futur d’Achèvement : Pinel, LMNP, MH, Malraux).
Q. Quel type de clientèle (profil, CSP et surface financière) ?
La clientèle de l’agence est généraliste. Nous avons une mission de service public avec des clients “droit au compte” et des clients étudiants (bas de gamme). Jusqu’à la clientèle patrimoniale : retraités, anciens commerçants, rentiers, cadres supérieurs, dirigeants d’entreprise, etc.
Le conseiller haut de gamme gère en théorie la segmentation haute de la clientèle. La clientèle dite “patrimoniale”. Je dis bien en théorie car cette clientèle est souvent avertie et nos objectifs ne nous permettent pas de gérer uniquement cette clientèle. En effet, nous avons des objectifs commerciaux en termes de placements de produits d’assurance et de prévoyance, et je constate qu’une clientèle moins avertie est plus docile et donc plus apte à souscrire ces produits.
Le conseiller particuliers a surtout des objectifs quantitatifs (faire du nombre), presque de façon “coûte que coûte”.
Q. Combien de clients gérez-vous ?
Un conseiller particuliers généraliste gère entre 800 et 1500 clients. Difficile dans ces conditions de mener les projets des clients à bien.
Un conseiller haut de gamme gère entre 400 et 800 clients, qui sont généralement très prenants et chronophages. Là aussi, difficile de prendre le temps de donner le bon conseil compte tenu du nombre.
Note de Nicolas : à titre de comparaison, un conseiller en gestion de patrimoine chez Prosper Conseil gère environ 100 clients.
Q. Quel parcours ou quelles compétences pour devenir conseiller bancaire ?
En caricaturant, les critères de recrutement sont les suivants : bien présenter, savoir utiliser ses 2 mains et être un beau parleur.
Les clients n’étant pas sensibles au diplôme, à quoi bon recruter des conseillers qualifiés et compétents ?
À titre d’exemple, les profils recrutés vont de l’ancien vendeur de vêtements ou de télévision dans des enseignes nationales, au diplômé Bac+5 en gestion de patrimoine.
Les postes ne sont pas les mêmes, une personne sans expérience accédera au poste de conseiller particuliers, alors qu’un Bac+5 pourra être amené à gérer une clientèle plus haut de gamme.
Au quotidien, pour gérer des portefeuilles de centaines de clients, il faut être organisé, méthodique et rigoureux, car les activités administratives sont lourdes, chronophages et nombreuses.
Des conseillers poussés via un système de prime à la performance
Q. Suivi de la performance des conseillers et primes, comment cela fonctionne ?
Après de nombreuses années en banque, j’ai encore du mal à comprendre les centaines d’indicateurs à notre disposition.
Nous avons une rémunération fixe, et contrairement à certains réseaux bancaires mutualistes, nous sommes rémunérés avec un variable.
Ce variable se compose de 2 éléments principaux : une partie sur les ventes et une partie “note de gueule” managériale.
Pour la partie sur les ventes, les indicateurs sont de niveau agence ou au niveau du dessus (groupe d’agences). Ils consistent en une espèce de “couscous” dans lequel on mélange le nombre d’ouvertures de compte (“conquête” de clients, comme en temps de guerre), souscriptions de produits (crédits, épargne, assurance, prévoyance, défiscalisation), satisfaction des clients, etc…
La note de gueule reprend des critères comme :
- le nombre de RDV par semaine,
- le taux de transformation en RDV d’opportunités détectés par un logiciel d’aide à la prise de RDV (logiciel qui segmente les clients et scrute leurs opérations, par exemple détection des enfants de clients ou des mouvements créditeurs / débiteurs),
- le taux de décroché du téléphone (on nous demande de répondre à 80/90% des appels des clients),
- et à nouveau des critères individuels sur les ventes.
Bref, je n’ai à titre perso ni l’envie ni le temps de comprendre le fonctionnement fin du calcul du variable. On dirait que cela a justement été fait pour que personne ne comprenne.
Les performances commerciales sont comparées entre conseillers, agences et les structures hiérarchiques au-dessus des agences. Les tableaux Excel avec notre nom ou numéro de portefeuille font partie de notre quotidien (même si la loi prévoit l’interdiction de comparer les employés entre eux, mais ce ne sera pas la seule entorse à la loi faite par les banques !).
Nous ne sommes finalement guère qu’un commerce de tapis dans lequel le client doit repartir avec un tapis de chaque modèle du magasin.
Parfois, des animations commerciales sont lancées comme par exemple “les 3 jours de l’assurance”, ou “le trimestre de la conquête de nouveaux clients”, ou encore “la semaine de l’assurance vie”.
Pendant ces temps forts, il faut faire un maximum de contrats et nous sommes alors classés avec des notes comme à l’école. Les meilleurs sont primés avec des primes d’un montant ridicule (quelques dizaines d’euros pour un trimestre à refourguer des contrats par dizaines) ou même pas primés du tout car la banque a inventé le concept d’animations commerciales sans aucune prime, juste pour la gloire et la fierté des hiérarchiques !
La commercialisation des fonds structurés
Nous avons à intervalles réguliers des enveloppes fonds structurés à commercialiser. Pour information, l’AMF attire l’attention des prestataires de service d’investissement (PSI) sur le risque de mauvaise commercialisation de ce type de placement considéré “complexe”, notamment vis à vis de l’information donnée aux clients dits “non professionnels”.
Il convient donc que la vente de ce type de placement soit faite avec un certain nombre de précautions, notamment que le client comprenne le placement et qu’il ait devant lui un horizon de placement suffisant par rapport à son âge au moment de la souscription.
Cependant, pour pouvoir atteindre des objectifs commerciaux élevés, nous sommes obligés de présenter le produit de manière très succincte, voire de le présenter comme une produit sans risque aux clients. Je trouve que c’est peut-être le plus scandaleux dans ce qu’on nous demande.
Pendant ces temps forts de commercialisation de produits structurés, nous subissons un flicage quotidien avec affichage des montants souscrits par chacun, du reste à faire et du retard pris par rapport à l’objectif. Gare à ceux qui sont les plus en retard car la convocation auprès du N+3 voire N+4 n’est pas très loin ! Pour arriver à de tels niveaux de vente, on s’arrange évidemment avec la réglementation et la catégorisation MIF 2 des clients.
Q. Quels sont les indicateurs principaux qui guident votre activité ?
Principalement le nombre de ventes, et surtout sur les produits rémunérateurs et sans risque pour la banque comme : les assurances de biens et de personnes, la collecte de capitaux “hors bilan” (SCPI, assurance vie, FCPR, GFF, GFV, SOFICA, etc.), les ventes de programmes immobiliers neufs.
Certains en interne disent d’ailleurs que notre 1er métier est l’assurance désormais.
Les autres indicateurs sont le nombre de RDV hebdomadaires et le taux de décroché au téléphone.
Le nombre de RDV pour la semaine en cours et à venir est très regardé. On nous demande entre 15 et 20 RDV par semaine, une sorte d’abattage continu de clients. Chaque portion de temps disponible dans une journée doit être allouée au service du temps commercial et doit permettre de faire des ventes.
Dans le nombre de RDV à effectuer, pour être le conseiller modèle, on nous demande qu’un tiers de nos RDV proviennent de l’outil de ciblage marketing et d’avoir un certain nombre de RDV assurances par semaine.
Le fameux PNB (Produit Net Bancaire) correspondant à la rentabilité de chaque client est important et suivi en haut lieu.
Q. Êtes-vous incité par la banque à faire souscrire des placements même quand cela n’est pas réellement dans l’intérêt du client ?
Sur les placements, c’est une évidence. Nous avons des enveloppes de produits à vendre, ces enveloppes sont données en montant et nous devons “coûte que coûte” vendre ces fonds et placements auprès des clients.
Pour cela, tous les moyens sont bons : appeler les clients pour les démarcher, amoindrir les inconvénients des produits et gonfler les avantages.
Parfois cela prend un air du “Loup de Wall Street”, avec une satisfaction ou un soulagement du personnel quand les objectifs sont atteints. La pression commerciale peut ensuite retomber.
Si nous ne sommes pas en mesure d’atteindre les objectifs (tout simplement car les clients ne sont pas intéressés), alors on nous demande de montrer que l’on a tout fait pour les atteindre, et nous pouvons être convoqués devant la hiérarchie pour des remontrances.
En réalisant nos objectifs dans les temps, nous achetons finalement une forme de paix sociale.
Note de Nicolas : finalement, difficile d’en vouloir aux “conseillers” d’être plus des vendeurs que des conseillers. C’est le système qui est ainsi.
Frustration et désillusion
Q. Vous considérez-vous comme un conseiller ou un vendeur ?
Le conseil occupe peut-être 10% du temps maximum. La plupart du temps, il s’agit de conseiller un contrat auto tous risques ou au tiers !
Quant au conseil patrimonial, la clientèle n’y est en général pas sensible, ou ne comprend pas les enjeux juridiques, fiscaux, successoraux. Ou encore préfère faire appel au notaire qui est un professionnel du droit, voire ne s’intéresse pas du tout au conseil ! Et il ne faudrait pas risquer de faire une erreur de conseil en écrivant un mauvais conseil.
C’est de mon point de vue un des aspects les plus frustrants de ce job.
Le conseil n’étant pas une activité rémunératrice pour la banque, nous ne sommes évidemment pas incités à en faire. Au contraire, il faut mettre le temps à profit le temps pour du commercial quasi exclusivement.
Le mot “conseiller” est simplement un argument marketing pour les clients, au même titre que le diplôme, l’épaisseur de la moquette et le standing de l’agence.
Note de Nicolas : voici ce que l’on entend par “conseil”. La dimension civile et fiscale peut faire gagner des centaines de milliers d’euros aux clients. Il faut bien comprendre l’enjeu d’une personnalisation du régime matrimonial ou de la préparation de succession par exemple.
Q. A quoi sert réellement un directeur d’agence et quelles sont ses missions ?
De mon point de vue, c’est un poste qui ne sert à rien.
Les missions du directeur dans mon établissement sont celles d’un responsable des ventes.
L’activité consiste à passer du temps en réunion pour comparer les chiffres de son agence dans des tableaux Excel avec ceux des autres agences du secteur voire de la France entière, d’identifier des axes d’amélioration et nous répercuter la pression managériale pour que l’on fasse souscrire encore plus de produits aux clients.
Le “y qu’à faut qu’on” est le discours que l’on entend quotidiennement.
Q. Quelle est l’ambiance dans votre banque ? Le Figaro vient de publier un article mentionnant la désaffection des banquiers pour leur métier, le ressentez-vous ?
Je ne suis pas surpris. Dans notre agence, nous ne sommes jamais à 100 % de l’effectif en même temps, hors effet des congés.
Les démissions non remplacées sont courantes, les salariés sont désabusés, les augmentations salariales inexistantes, la pression commerciale permanente et les clients sont très exigeants.
Nous remplaçons au pied levé nos collègues, créant ainsi charge de travail supplémentaire et insatisfaction des clients.
Nous devons en permanence jongler entre les besoins réels des clients (établissement de crédit = crédits immobiliers faiblement rémunérateurs et à fort risque pour l’établissement), et les demandes managériales de refourguer des produits hautement rémunérateurs via une commission d’intermédiation et sans risque (assurance décès ou obsèques par exemple) mais dont les clients ne veulent pas.
L’écart est les consignes managériales et les attentes réelles des clients est immense.
Q. Au final, pourquoi les clients restent clients d’un service qui ne les satisfait qu’à moitié (voire pas du tout) ?
Peut-être car en signant un prêt immobilier, les clients sont captifs d’un service bancaire médiocre sur une durée de 10 à 25 ans. Ou qu’ils ne comparent pas avec les établissements en ligne.
Note de Nicolas : je pense que les Français souffrent d’un manque d’éducation financière. Ils n’ont pas les référentiels : assurance vie à 0 frais sur versement et 0,60 % de frais de gestion annuels, PEA sans droits de garde et 2 € l’ordre, etc. Et ils n’ont pas les ordres de grandeur des rendements : immobilier 4-5 % par an, actions 7 % par an en moyenne lissée à long terme, etc. Ne comprennent pas la puissance des intérêts composés et au contraire le caractère destructeur des frais sur le long terme. Et ils ne mesurent pas l’importance de l’optimisation fiscale (ne connaissent pas le régime LMNP par exemple par rapport aux revenus fonciers) et au contraire surestiment les défiscalisations type Pinel.
Q. Quelle est la rémunération d’un conseiller bancaire ?
Cela dépend des réseaux bancaires : mutualistes avec un fixe sans commission ou les autres avec fixe et variable. On constate d’ailleurs que les banques avec réseaux d’agences dont les conseillers sont rémunérés sans variable obtiennent des meilleures notes dans les classements de satisfaction des clients…
Pour un conseiller particuliers débutant, le salaire brut annuel est aux alentours de 26 à 28 k€.
Pour un conseiller plus haut de gamme, conseiller patrimonial, le salaire fixe brut annuel se situe dans la fourchette 33 k€ à 40 k€.
Le variable est en baisse à cause d’objectifs en augmentation permanente. Il peut atteindre plusieurs milliers d’euros brut annuel selon les postes.
Il y a une totale contradiction entre le client qui pense que le conseiller en cravate d’une très belle agence gagne bien sa vie, et la réalité du terrain avec des salaires ridicules alors qu’il faut être en permanence le “mouton à 5 pattes”.
Anecdotes et journée type du conseiller bancaire
Q : Des anecdotes croustillantes à nous partager ? Avec la hiérarchie, les collègues et les clients
Il y aurait tellement à raconter.
- Un cas client : j’ai un client enseignant (professeur des écoles, petit début de cinquantaine, célibataire, pas d’enjeu patrimonial fort) à qui je propose un produit structuré à 5 % d’espérance de gain annuel. Son épargne est sur des livrets rémunérés à bien moins de 1%. Le client balaye ma proposition en me disant qu’il ne sait laquelle est la plus intéressante… manque de culture financière de la part d’un enseignant de futures générations, je n’aimerais pas avoir mes enfants dans sa classe !
- Autre cas client : j’ai trouvé hier un client qui a un mandat de gestion depuis…. 25 ans (1998). Capital investi = 150 k€. Plus-value = 1200 €. Orientation du mandat : dynamique (donc peu d’obligations et beaucoup d’actions, ça aurait dû rapporter beaucoup en 25 ans !) Frais perçu par la banque à 1,5% encours du mandat : 38 k€ depuis 1998 (hors frais internes des fonds). Si c’est pas honteux…
- Les formations internes qui servent uniquement à mieux vendre et à faire culpabiliser les clients (“quoi la prévoyance décès ne vous intéresse pas, vous n’êtes pas concerné par la mort ?” “Vous n’aimez pas vos enfants au point de ne pas vouloir assurer leur avenir ?” ). Ces formations prennent souvent une allure sectaire sous forme de lobotomie avec un discours permanent “nos produits sont les meilleurs du marché”. Je suis sûr qu’ils leur disent la même chose aux conseillers de la banque d’à côté !
- Ma conscience : au début, j’avais du mal à commercialiser des produits pourris de la banque aux clients, alors même que je gère mes finances personnelles depuis une bonne quinzaine d’années en bonne intelligence (on retrouve les mêmes bonnes pratiques sur ADI). Désormais, je me dis que si j’avais un conseiller bancaire comme moi en face de moi, je ne signerais rien. Après tout, au final le client n’est pas non plus obligé d’accepter ma proposition, charge à lui de se renseigner. J’arrive à soulager ma conscience de cette faon
- La façon dont mes collègues gèrent leur propre épargne : découvert, all in immobilier,…
- Méconnaissance des placements même les plus basiques : certains de mes collègues qui ont plus de 10 ans d’expérience ne savent pas que les intérêts au dessus du plafond des livrets d’épargne sont aussi rémunérés !
- Un autre cas client : il y a quelques années, je démarche un client pour un placement de plusieurs centaines de milliers d’euros. Je lui fais les propositions de la banque, il m’indique qu’il a contacté Linxea qui lui a fait une super proposition. Je ne pouvais être que d’accord avec la proposition de Linxea (avis Linxea) ! Cependant, j’ai réussi à contrer la proposition du leader de l’assurance vie en ligne à frais réduits et à capter les capitaux en assurance vie “maison”. Lorsque j’ai expliqué cela à ma hiérarchie, ils ne connaissaient même pas l’existence de Linxea et la possibilité de souscrire un contrat à frais réduits… beaucoup de banquiers n’investissent pas et ne s’intéressent pas au sujet !
Q. Racontez-nous une journée type
La journée commence par une réunion de lancement avec les priorités commerciales. Comprendre : les sujets sur lesquels l’agence est en retard.
Ensuite, nous gérons les comptes débiteurs du jour : nous devons décider si nous payons les opérations ou les refusons. Cette activité est très guidée par un outil qui analyse pour nous le fonctionnement des comptes de chaque client et leur alloue une note de risque. Au final, les opérations payées coûteront 8 € chacune aux clients, les opérations rejetées 20 € chacune.
Nos managers nous reçoivent individuellement pour une revue de chaque RDV à venir dans la journée et des possibilités de business associé. En résumé, il s’agit d’étudier les produits et services détenus par le client, et leur proposer ceux qu’ils n’ont pas encore souscrit dans la gamme de la banque. Tant pis si le client venait pour un autre sujet !
Nous effectuons nos RDV, et entre chaque RDV une course se présente : répondre au plus grand nombre de mails de clients (nous sommes évalués sur notre vitesse de réponse aux mails) et décrocher un maximum de coups de téléphone (nous sommes évalués sur ce point aussi). Idéalement, nous devons aussi mener les tâches administratives et monter les crédits immobiliers parfois complexes des clients (SCI, in-fine), une tâche qui demande du temps, de la prise de recul et de la sérénité… difficile à trouver dans ce contexte !
Une heure de phoning nous est demandée plusieurs fois par semaine. Cette heure consiste à appeler les clients ciblés par un logiciel de ciblage automatique en fonction de nombreux paramètres, pour remplir les agendas de la semaine suivante, et à leur lire un script prémâché par l’outil de ciblage. En plus d’être dégradante, cette activité est inutile car les clients sont déjà très sollicités par ailleurs par des appels commerciaux.
Enfin, à chaque fin de journée, nos responsables nous reçoivent et constatent les réussites et échecs de la journée. Cela me fait penser aux vaches qui regardent les trains passer dans les champs, concrètement ils regardent des tableaux Excel. Le temps est à la tape sur l’épaule en cas de réussite ou à la culpabilisation en cas d’invendus.
Q. Au final avec la quantité d’activités à faire, comment arrivez-vous à gérer les attentes à la fois des clients et des managers ?
C’est une bonne question, nous avons l’impression de jongler constamment entre toutes les activités et de courir partout pour faire plaisir à tout le monde.
Pour pouvoir répondre à l’objectif de décrocher le maximum d’appels, il nous arrive de passer de la musique d’attente aux clients, jusqu’à ce qu’ils raccrochent. Même en étant rapide et efficace dans mes activités, il faut être conscient que nous ne pouvons pas tout faire compte tenu de la quantité de clients et de leurs nombreuses demandes.
Alors il nous arrive parfois de modifier les chiffres, déclarer des RDV fictifs, conseiller à un client de résilier un contrat d’assurance et en souscrire un nouveau plutôt que de faire un avenant, faire tourner la lessiveuse en rachetant de l’assurance vie pour en remettre (pour les clients avant 70 ans), etc.
Prenons de la hauteur : recommandations
Q. Vous-même, comment placez-vous à titre personnel ? Et conseillez-vous les placements de votre banque à votre entourage ?
Je suis client de courtiers d’assurance vie en ligne depuis de très nombreuses années. Cf le comparatif des meilleures assurances vie d’ADI.
Je n’ai aucun placement dans une banque avec agences. Je trouve les frais très élevés pour un service minable et les conseillers peu formés aux produits financiers.
Dans mon entourage, je ne conseille jamais les solutions de la banque que je représente dans mon travail… j’ai malgré tout une conscience personnelle.
Avant la création d’ADI, je sélectionnais les meilleurs placements par une étude de marché. Désormais j’utilise ADI pour simplifier la sélection des produits. J’ai récemment ouvert un contrat chez Ramify à la lecture d’ADI (avis Ramify).
Q. Pour quelles raisons consulter une banque ? En quoi cela peut être efficace de s’adresser à une banque ? (Hors banque en ligne, car on sait qu’elles sont efficaces).
Je dirais, quasiment aucune raison. Je suis client de nombreuses banques en ligne depuis plus de 15 ans, et ma banque principale ne sera jamais une banque avec des agences. Parfois je me dis que notre job consiste à inventer des problèmes bidons pour les résoudre virtuellement en proposant de nouveaux produits à faire souscrire aux clients.
La seule raison serait le crédit immobilier, quand le conseiller bancaire y est formé, ce qui est assez rare vu le turn over des effectifs. D’ailleurs, mon crédit immobilier est dans la banque qui m’emploie et c’est tout !
Concrètement les conseillers particuliers partent souvent avant d’y avoir été formés ! Et réussir à mener un projet immobilier à bout est un sacerdoce compte tenu de la quantité de travail administratif, des outils informatiques peu performants et des procédures. Certains conseillers abandonnent les crédits et disent simplement à leurs clients que leur projet n’est pas réalisable.
Q. Qu’est-ce qu’il faudrait changer au business modèle de la banque selon vous, pour que les conseillers soient plus épanouis et les clients plus satisfaits ?
Nous donner les moyens de travailler, moins de clients, embaucher des personnes pour répondre au téléphone et effectuer les tâches administratives, supprimer les objectifs et les rémunérations variables comme dans les réseaux mutualistes, faire de vraies formations sur les produits complexes comme le crédit immobilier et pas force de vente sur tous les produits que les clients ne veulent pas.
Je propose depuis longtemps de supprimer tous les postes de hiérarchiques et de les faire venir travailler avec nous face aux clients, cela nous permettrait d’avoir plus de main d’œuvre et faire sortir certains du placard.
En termes de tarification, il faudrait commencer par ne plus facturer les cartes bancaires et pleins de services annexes inutiles, et que le client paye le RDV et le conseil comme il le fait auprès de son médecin par exemple. NDLR : et comme chez Prosper Conseil !
Merci beaucoup pour votre retour d’expérience d’insider et votre franchise ! Certains lecteurs seront peut-être surpris par le sombre portrait dépeint, mais cela colle tout à fait aux différents sons de cloche entendus ici et là et à notre vécu. Nous considérons que les banques traditionnelles sont très bien pour le crédit immobilier, mais à éviter pour tout le reste (les placements et le conseil). Chacun son métier.
14 commentaires sur “Interview d’un conseiller patrimonial en banque. Désabusé…”
Le fond est peut-être vrai, peut-être pas.
Mais la vraie question est : si votre métier est si inutile (voire même “nocif” tel que vous le décrivez) que ça, et votre employeur aussi indésirable, pourquoi continuez-vous à le faire ?
Bonjour Juliette,
Le fond est vrai, il n’y a pas de doute quand on connait le milieu.
Et j’imagine que les salariés restent car la soupe est bonne (notamment la convention : 9 semaines de congés payés par an), en tout cas c’est ce que mes amis travaillant en banque m’expliquent.
Mais je vais le laisser répondre 😉
Bonjour Juliette,
Il faut avouer que les avantages sont de bonne qualité, jours enfants malade, CE, etc…
Je n’ai jamais mentionné que mon métier serait nocif, et j’aime étudier les projets de mes clients !
Quand on a compris le système, on peut biaiser les indicateurs et acheter une certaine paix sociale, et bien sûr cette façon de tricher est partagée avec la hiérarchie. Une certaine façon d’acheter sa paix sociale pour ma hiérarchie aussi !
Bonjour Nicolas,
Cet article est édifiant. Malheureusement cette évolution des pratiques et des rapports hiérarchiques et concurrentiels entre individus me semble inhérente à une société qui a fait du commerce, du libre-échange et de la loi de l’offre et de la demande la clé de voûte de son organisation. Le mal est profond.
J’ai une petite remarque : je lis fréquemment dans les article de ADI qu’il est préférable de chercher conseil auprès d’un indépendant. J’ai bien compris que les conseillers bancaires ne pouvaient promouvoir que leurs produits “maisons” et que les conseillers gratuits vivaient de rétro-commissions nuisant à l’objectivité de leurs conseils. Mais quelle certitude a-t-on de l’indépendance réelle du conseiller payant ? Je n’imagine pas une seconde que les assureurs et autres concepteurs de formules de placements ne fassent pas du lobbying et ne tentent pas de démarcher les conseillers indépendants. Il ne s’agit bien sûr pas de salaires ou de commissions mais pourquoi pas des cadeaux ? A l’instar des visiteurs médicaux qui démarchent les médecins en cabinet.
Je ne mets surtout pas en cause les pratiques des gestionnaire d’ADI. Ils ont déjà l’immense mérite d’offrir un contenu de grande qualité et entièrement gratuit. Mais il me semble difficile d’avoir une garantie certaine d’indépendance totale, même en rémunérant directement le conseil.
Vous me direz que l’incertitude est toujours préférable à la garantie certaine d’une dépendance…
Existe-t-il des règles (des lois) dans ce domaine ? Ou bien cela se résume-t-il à une question de confiance ?
Cordialement
Bonjour Bruno,
Vos questions sont pertinentes et légitimes.
On a eu l’occasion de creuser ce point en créant Prosper Conseil en 2022.
Société de conseil en gestion de patrimoine indépendante ET au conseil indépendant.
Pour se targuer du conseil indépendant (seulement 5 % des conseillers indépendants font du conseil indépendant), il faut cumuler ces points réglementaires :
1/ rémunération exclusivement en honoraires de conseil (pas de rétro-commission) conformément à la réglementation MIF 2 ;
2/ dans la lettre de mission que l’on fait signer au client, cela nous permet de cocher “conseil indépendant” et non “conseil non indépendant” ;
3/ si toutefois nous percevons une rétro-commission ponctuellement, il faut la rembourser à 100 % au client ;
4/ déclaration des cadeaux. Même le prêt d’une salle de réunion pour 2 heures peut être considéré comme un cadeau. De fait, pour éviter toute ambiguité, nous n’acceptons aucun cadeau.
Un CGPI qui perçoit des rétrocommissions (95 % de la profession) doit l’indiquer clairement dans la lettre de mission (cocher “conseil non indépendant”) et indiquer le niveau des rétro-commissions perçues.
Quand le CGPI distribue des contrats d’assurance vie et PER avec des frais sur versmement et 1 % de frais de gestion annuels, ou du Pinel, c’est très certainement qu’il s’agit de conseil non indépendant vu le niveau des frais.
Alors que le CGPI au conseil indépendant conseillera des contrats sans frais sur versement et le minimum de frais de gestion possibles (et je n’ai encore jamais vu un conseil indépendant conseiller le Pinel…)
Bref, nous sommes très encadrés par la réglementation MIF 2 et les autorités qui nous contrôlent (association professionnelle ANACOFI, ORIAS, et AMF).
Et attention à ne pas confondre l’indépendant qui fait du conseil indépendant, et celui qui fait du conseil non indépendant.
Beaucoup de CGPI jouent sur le terme “indépendant”, ils ne parlent pas du conseil mais de leur indépendance du fait qu’ils ne travaillent pas dans une banque (mais ils ne font pas du conseil indépendant au sens MIF 2).
Cf ce schéma.
C’est subtil, je n’ai appris cela qu’au cours de mon Master 2 en gestion de patrimoine, au cours de ma reprise d’études en 2020.
D’accord.
Merci pour ces précisions.
Bonjour Nicolas,
Très bon article, à forte valeur ajoutée, qui donne un éclairage de ce qui se passe de l’autre côté de la barrière.
Comme écrit dans les autres commentaires, je ne suis hélas pas surpris par ces lignes.
L’éducation financière me paraît, encore une fois, être la seule solution à ce problème structurel des banques, et au terme “conseil” galvaudé.
Merci.
Bonjour David,
Et oui, mais j’ai l’impression qu’on est moins de 5 % des Français à le réaliser…
Le ressenti que l’on peut avoir rapidement dans une banque privée dès lors que l’on a une connaissance financière même basique.
Je suppose que ce conseiller devrait changer d’employeur et passer dans une banque mutualiste (ou autre tel qu’un cabinet de courtage) mais le turn-over y étant moins important, il faut y trouver une place surtout s’il n’est pas mobile géographiquement. Quel dommage de gâcher / démotiver une personne si ce n’est pour une première expérience et valoriser un CV.
Sa vision du manager / hiérarchie est trop réductrice (“il n’a qu’à venir sur le terrain”) mais bon quand on ne s’épanouit pas dans son travail, cette remarque est “facile”. Oui, il y a des mauvais managers tout comme des mauvais conseillers / vendeurs; chacun a ses objectifs (vente auprès d’un client vs gestion d’équipes / budget / marge, politique de l’entreprise …) . Ce système est présent dans la banque mais aussi dans d’autres secteurs dès lors qu’il y a une hiérarchie et/ou que le terme conseiller ne reflète qu’une partie infime de son travail.
Client principalement de banques en ligne mais également d’une banque mutualiste que j’aurai pu abandonnée pour passer sur du 100% en ligne mais que j’avais gardé pour un éventuel projet immobilier; Cette banque a finalement pu me faire une offre plus attractive que celle obtenue par mon courtier pour ma RP (concurrence annoncée dès le départ). Banque mutualiste à distance puisque n’habitant plus dans la même région, mail, téléphone ou courriers avec pleins de petits post-it font que ça fonctionne très bien.
Alors oui, le package cartes basiques, accès aux comptes à 10 euros par mois à deux c’est toujours trop mais c’est compris dans les frais du prêt. Si le(s) projet(s) immo n’ont pas débutés, je ne peux pas dire s’il y a un intérêt à être déjà client étant donné qu’on déroule souvent le tapis rouge pour le nouveau client et pas pour l’existant bien que dans le cas d’un prêt, avoir un historique client c’est peut être plus rassurant pour la banque.
En résumé, il faut donc avoir conscience des avantages et frais (absents ou réduits) des banques / courtiers en ligne sans pour autant dire à chacun de fuir les banques physiques (notamment dans le cadre d’un projet immo), juste de s’en méfier, qui plus est pour des produits non sollicités d’un “pseudo conseiller”…
Bonjour Anthony,
Merci pour votre retour.
On en arrive à la même conclusion : les “banques en dur” sont juste bonnes pour le crédit immobilier 🙂
Le boulanger en bas de chez moi est top pour les baguettes mais ses pâtisseries sont mauvaises, alors je vais chez le pâtissier.
Idem en banque, les placements sont médiocres donc il faut comparer et aller chez les spécialistes. Chacun son métier.
En accord avec les propos d’un membre de ma famille qui bossait en banque.
Décidément …
Malheureusement la plupart des gens écoutent leur “banquier” religieusement.
Bonjour Nicolas
On peut dire qu’on l’attendait celle-là !
Une interview édifiante, qui malheureusement ne surprendra pas ou n’apprendra rien à ceux qui depuis longtemps ont compris que l’immense majorité des “conseillers” que les français fréquentent en France n’ont légalement aucun devoir dit “fiduciaire”, à savoir placer l’intérêt du client au dessus de tout.
Si elle pouvait ouvrir les yeux à beaucoup sur le conflit d’intérêts qui est la règle dans cet univers, ce serait déjà beaucoup. Le pire étant, comme cela est bien expliqué dans cette interview et sur le site, les fameux produits “structurés”, qui donnent l’illusion aux gens peu avertis qu’ils vont avoir la performance de la bourse sans les risques, alors que les indicateurs (soigneusement) choisis ainsi que la couche de frais (pas forcément compréhensible) vont donner au mieux un rendement médiocre, au pire nul.
Bref comme toujours, occupez vous de votre argent sinon d’autres s’en occuperont à votre place, et ça ne sera pas dans votre intérêt. Ou alors, faits vous aider par des conseillers réellement indépendants, qui ne sont pas rémunérés par les distributeurs ou les teneurs des fonds, et qui ont une réelle obligation fiduciaire.
Cordialement
Bonjour Fred,
Nous sommes en phase 🙂
Je découvre le sens de “fiduciaire”.
Cela devrait être la norme !