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Témoignage : le vendeur de Pinel qui se faisait passer pour un conseiller

Conseiller vendeur Pinel

Nous avons récemment été en contact avec un épargnant qui nous a relaté son expérience avec un conseiller en gestion de patrimoine… qui n’a de conseiller que le nom. Notre épargnant, heureusement bien informé, a réalisé qu’il n’avait eu affaire qu’à un vendeur de Pinel. Il nous livre son témoignage.

En matière de conseil en gestion de patrimoine, le meilleur côtoie le pire. Et il n’est pas toujours évident pour un épargnant ordinaire de savoir à qui s’adresser pour obtenir en toute confiance un conseil fiable et indépendant. Cet article vous permet de mieux démasquer les imposteurs, et de comprendre comment choisir votre conseiller en gestion de patrimoine.

Notre épargnant souhaite garder l’anonymat, nous l’appellerons Julien. Dans cet article, nous vous relatons l’échange qu’il a eu avec ce conseiller/vendeur. La démarche du « conseiller » auquel il a eu affaire est typique de ce que l’on voudrait ne plus voir, car cela ternit la profession.

Julien a pris contact avec le conseiller en gestion de patrimoine sur les conseils d’un collègue de travail. Le bouche à oreille n’est pas toujours pertinent : quelqu’un qui a mauvais goût recommande de mauvais restaurants.

Le premier échange s’est passé par téléphone. Julien n’attendait pas grand chose de ce rendez-vous, mais l’entretien téléphonique avec le conseiller étant gratuit, il n’y avait rien à perdre. C’était l’occasion de bénéficier d’un audit patrimonial et éventuellement d’en tirer quelques recommandations utiles. Enfin, c’est ce qu’il croyait…

La suite de l’article relate l’entretien téléphonique. Vous verrez que Julien a failli se faire Pineliser ! On le remercie pour son témoignage qui pourra sauver des investisseurs.

Un audit patrimonial qui démarre bien

L’entretien démarre plutôt bien. Pendant la première heure, Julien prend le temps d’exposer de façon relativement complète sa situation fiscale, patrimoine et professionnelle. Il présente tous les éléments importants de sa situation, sans faire l’impasse sur les détails et les éventuels points de complexité.

Julien expose sa situation patrimoniale. Il a plusieurs prêts en cours, plusieurs biens immobiliers, plusieurs contrats d’assurance vie, un plan d’épargne en actions (PEA), un compte-titres, et quelques cryptomonnaies. Si notre épargnant a d’ores et déjà plusieurs dispositifs d’épargne en place, c’est tout simplement car il dispose de bonnes connaissances pour la gestion de son épargne. Son patrimoine est déjà relativement optimisé. Il a choisi d’excellents contrats, ceux que nous mettons en avant sur ADI.

Julien détaille également ses revenus professionnels, sa situation familiale en incluant celle de ses parents, et ses projets futurs.

À ce stade de la discussion, le conseiller en gestion de patrimoine apparaît comme relativement professionnel aux yeux de Julien. Notre épargnant est d’ailleurs positivement surpris par la complétude des questions. Tout se passe comme attendu pour un audit patrimonial en bonne et due forme.

Un long silence du conseiller vient casser le rythme de l’échange, lorsque Julien évoque succinctement ses placements en cryptomonnaie. Mais ce n’est pas bien grave si le conseiller ne connait pas le sujet, ce n’est pas un enjeu pour julien.

Tout au long de cette première partie de l’échange, le conseiller cherche à connaître les objectifs de l’épargnant. Là encore, c’est un bon point, car les recommandations patrimoniales doivent toujours s’appuyer sur les projets de l’épargnant. Julien explique qu’il prévoit d’acheter sa résidence principale d’ici quelques années, et qu’il souhaite donc libérer de la capacité d’endettement.

Quant au reste de son patrimoine financier, Julien n’a pas de projets précis. Le reste de son épargne servira à préparer sa retraite, à l’éducation de ses enfants, ainsi que leur apporter une aide en début de carrière. Julien compte aussi sur son épargne pour pouvoir soutenir financièrement ses parents en fin de vie. Parmi la liste des projets envisageables, Julien évoque également l’idée d’une reconversion professionnelle d’ici quelques années.

Un point important à mentionner à ce stade de l’histoire est que Julien n’a à aucun moment évoqué la volonté de réduire ses impôts.

La désillusion de notre épargnant

Le conseiller en gestion de patrimoine explique à Julien qu’il est en train d’analyser sa situation en direct. Surprenant. Le conseiller dispose-t-il d’un logiciel dans lequel saisir les données pour lancer une simulation, ou bien note-t-il simplement sur papier les éléments communiqués par l’épargnant ? On l’ignore.

Mais quelques secondes plus tard, le conseiller a la solution ! Il propose à notre épargnant d’investir dans un Pinel. L’argumentaire est bien rodé, le conseiller explique que cela permettra à Julien de réduire ses impôts. Ce qui n’a rien à voir avec les enjeux et les objectifs de Julien.

À ce stade de l’échange téléphonique, c’est la grande désillusion pour Julien. Il pensait avoir affaire à un conseiller à l’écoute de sa situation, et réalise qu’il a perdu 1 heure.

Note de Nicolas : un témoignage sur le Pinel hélas très courant. Moi-même, j’ai déjà eu affaire à ce spécimen de « conseiller », à titre personnel. Toujours cette technique de faire semblant de prendre en compte la situation et les objectifs de l’épargnant, puis de faire semblant d’analyser (certains jouent même le jeu en prenant soi-disant une semaine d’étude pour présenter le résultat au cours du 2ème rendez-vous). Tout cela pour conseiller systématiquement un Pinel. Donc en réalité il n’y a aucune étude, aucune analyse, et aucune prise en compte de la situation personnelle du client. Il y a tromperie. Je me rappellerai toujours d’une lectrice qui pensait payer 8 000 € d’impôt en moins par an (ce que son « conseiller » lui avait dit), alors qu’en calculant elle payait en réalité 8 000 € de plus en comptant l’impôt sur les revenus fonciers, l’impôt sur la fortune, la taxe foncière…donc 160 000 € d’écart sur 10 ans !

2 arguments discréditent le « conseiller »

La suite de la discussion met en lumière l’incompétence du conseiller. On peut même aller jusqu’à parler de défaut de conseil pour ce prétendu conseiller en gestion de patrimoine qui n’est qu’un vendeur de Pinel…

En effet, le conseiller propose à l’épargnant de réaliser un prêt immobilier supplémentaire pour investir dans le Pinel, alors même que Julien a explicitement dit qu’il souhaitait se libérer de la capacité d’endettement pour l’acquisition d’une résidence principale. Un comble ! Le conseiller répond avec l’aplomb d’un arracheur de dent et sans le justifier que ce n’est pas un problème, qu’il pourra toujours acheter sa résidence principale. Ce qui est techniquement faux puisque Julien, en épargnant avisé, sait qu’il doit libérer de la capacité d’endettement pour pouvoir financer l’achat de sa résidence principale.

Notre épargnant réalise à ce stade que ce « conseiller » (on met des guillemets, car ce n’est pas du conseil mais de la vente forcée) doit probablement proposer systématiquement à ses prospects d’investir dans un Pinel.

Julien fait remarquer qu’un des soucis du Pinel est le prix de revente, lequel est trop souvent très en-dessous du prix d’achat, ce qui annihile l’intérêt fiscal de l’opération. En bon vendeur, le conseiller se veut rassurant et explique que son cabinet et ses équipes contrôlent la qualité des Pinel proposés aux clients, pour ne sélectionner que les « projets qui marchent bien ». Le « conseiller » conclut : « vous savez, l’immobilier c’est du concret, ça ne fait que monter, ce n’est pas comme la bourse où on peut perdre beaucoup ».

Ce genre de poncif doit certainement bien fonctionner auprès d’un épargnant mal informé, mais Julien est un épargnant avisé et sait que les actions sont aussi du concret et qu’elles montent encore plus que l’immobilier sur le long terme (bien investir en bourse). Ce type d’argument ne prend pas… c’est tout le contraire ici, le conseiller est décrédibilisé. Et quand bien même l’immobilier serait plus intéressant que la bourse, l’immobilier ne se résume pas au Pinel, il faut comparer avec d’autres solutions d’investissement immobilier ! (Ce que nous avons fait dans notre article : investir en Pinel ou LMNP ?)

Note de Nicolas: les Français aiment énormément la pierre… et sont très intéressés à l’idée de diminuer leur impôt sur le revenu (même quand celui-ci n’est pas si élevé que cela). L’investissement en Pinel joue sur 2 affects. Mieux encore, les conseillers sont grassement rémunérés sur chaque opération réalisée : entre 5 et 10 % de commission sur des biens en moyenne à 200 k€ ! Ce n’est donc pas étonnant que les pseudo-conseillers cherchent à vendre du Pinel à tour de bras, même quand cela ne fait pas sens au regard des objectifs patrimoniaux du prospect. De l’aveu même d’un de mes professeurs en Master 2 gestion de patrimoine, c’est ce que les CGP doivent faire s’ils veulent devenir riches. Le pur conseil rémunère moins bien que la vente systématique de Pinel. Et la vente d’appartements dans l’ancien ne rémunère que 1 % maximum, soit 10 fois moins que le Pinel.

Un conseiller complètement incompétent

Par curiosité, notre épargnant oriente la discussion sur le terrain des placements financiers. Julien demande au conseiller ce qu’il pense du plan d’épargne retraite (PER).

La réponse du conseiller est consternante : il explique que « ça ne rapporte rien, car les fonds euros offrent des performances proches de zéro ».

Notre épargnant fait remarquer au conseiller que le PER permet également d’investir sur des unités de compte (actions, immobilier, etc.) pour aller chercher de la performance.

Le conseiller improvise une réponse mettant un peu plus en lumière son incompétence sur le sujet : « il faut investir sur les fonds euros quand on est jeune, et aller graduellement sur vers les supports en unités de compte plus risqués quand on approche du départ en retraite ».

Perdu. C’est tout le contraire qui est recommandé ! Il faut privilégier les supports dynamiques lorsque l’on est jeune avec un horizon d’investissement à long terme, et progressivement sécuriser son capital en fonds euro à l’approche du moment où l’on consommera l’épargne accumulée.

L’entretien s’arrête ici.

Note de Ludovic : peut-on réellement se prétendre conseiller en gestion de patrimoine avec une si mauvaise connaissance des possibilités du PER et des bonnes pratiques en termes d’allocation patrimoniale ?! Lancé fin 2019, le PER est un dispositif d’épargne très intéressant pour préparer sa retraite dès lors que l’on paie l’impôt sur le revenu (TMI 30 % et davantage). Pour aller plus loin : le fonctionnement du PER, et notre comparatif chiffré : assurance vie ou PER.

Bilan de cette expérience

Dans cette histoire, notre épargnant n’aura perdu qu’une heure de son temps. La consultation patrimoniale était gratuite. Julien, en épargnant avisé, a compris qu’il avait affaire à un vendeur se présentant comme un conseiller en gestion de patrimoine. Un simple commercial qui voulait sa commission et non un conseiller. Voyez notre article : Quel est le salaire d’un conseiller en gestion de patrimoine (CGP) ?

Mais s’il n’avait pas été avisé, Julien aurait pu se laisser duper, et il aurait perdu beaucoup d’argent en suivant les « conseils ». Et tout en compromettant ses objectifs (l’achat de sa résidence principale notamment). C’est effrayant et nous avons une pensée pour les victimes des mauvais conseillers, qui ne pensent qu’à leurs intérêts et non aux intérêts des clients…cela peut ruiner des projets et toute une vie ! Alors que les bons conseillers permettent de réaliser les projets de vie.

Quelque peu désabusé, Julien nous fait d’ailleurs remarquer qu’un épargnant « bon père de famille » sans culture financière pourrait facilement se laisser convaincre par un tel vendeur.

En effet, le prétendu conseiller est doué de qualités de persuasion. L’homme est très sûr de lui. Et ses éléments de langage sont parfaitement calibrés pour rassurer son interlocuteur. Le « conseiller » parsème son discours d’un vocabulaire fiscal et technique (qui sonne faux quand on est un épargnant avisé, il suffit de creuser et on remarque que le « conseiller » ne comprend pas ce qu’il dit), juste ce qu’il faut pour faire montre d’une prétendue expertise, et ajoute une pointe d’humour pour détendre l’échange.

Le piège était parfait, mais heureusement Julien est un épargnant avisé.

Note de Nicolas : attention aussi à la technique du « oh ! Vous avez de la chance, vous êtes éligible au Pinel ! » pour donner un sentiment d’exclusivité, comme si c’était réservé à une élite… alors que tout le monde peut investir en Pinel. D’ailleurs, les Français les plus aisés n’investissent pas en Pinel, puisqu’ils atteignent le plafond annuel de 10 000 € de réduction d’impôt rien qu’avec le personnel de maison (plafonnement annuel global des niches fiscales). Ceci dit, nous avons déjà connu des investissements Pinel intéressants, mais c’est très rare (moins de 3 % des cas).

À qui faire confiance ?

À qui faire confiance ? Voilà tout un problème récurrent. Que ce soit pour entretenir sa voiture, entreprendre des rénovations chez soi, ou gérer son patrimoine, il est n’est pas évident de savoir si l’on a bien affaire à un professionnel honnête et compétent. Car il faut être soi-même un minimum compétent, pour juger de la compétence d’autrui. Nicolas et moi détectons facilement les imposteurs car nous baignons dans la gestion de patrimoine depuis plus de 10 ans, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.

En matière de gestion de patrimoine, il existe une solution simple et efficace pour éviter de tomber sur un conseiller davantage intéressé par sa commission, que par les intérêts de son client : se tourner vers un conseiller en gestion de patrimoine indépendant.

Pas seulement indépendant dans le sens non rattaché à une banque, mais indépendant au sens réglementaire de la directive européenne MIF 2 : la rémunération ne se fait que sous forme d’honoraires pour le conseil prodigué. Autrement dit, le conseiller en gestion de patrimoine (CGP) ne peut pas percevoir de commissions sur les produits vendus, et s’il en perçoit il doit les rembourser au client. En pratique, c’est précisé noir sur blanc sur la lettre de mission donnée par le CGP au client. De cette façon, la rémunération du conseiller est complètement indépendante des placements qu’il pourra vous recommander. Il n’est pas tenté de placer les produits qui lui rétrocèdent le plus de commissions. Seuls 5 % des CGP sont réellement indépendants…

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14 commentaires sur “Témoignage : le vendeur de Pinel qui se faisait passer pour un conseiller”